EN ATTENDANT LE CARNAVAL
Un terre de contrastes
Alors que le metteur en scène se remémore en voix-off des images d’un monde agraire, sa caméra arrive dans la ville de Toritama, un peu moins de 40 000 habitants, où le paysage est marqué par d’immenses panneaux de publicité pour des jeans. En effet, dans cette région reculée du Nord Este au Brésil, plus de 20 millions de paires de jeans sont produites chaque année dans des garages et des ateliers aménagés sommairement…
Ce qui frappe à la vue du documentaire brésilien "En Attendant le Carnaval", c’est une certaine vision de la méthode Coué. Alignant les personnages réels, qui cousent des poches à la chaîne, peignent des jeans au pistolet, créent de fausses marques d’usures, c’est avant tout le contraste entre le sourire affiché et la revendication d’être son propre boss (chacun affirmant haut et fort ses horaires « libres », le salaire intéressant, et une certaine forme de progrès), avec la réalité du travail. Le réalisateur s’attache en effet, en pointant certaines paroles plus que d’autres, en posant sa caméra auprès d’une ouvrière, à en montrer le caractère effréné, la difficulté physique, l’impact sanitaire, et au final l’absence de perspective, le carnaval annuel obligeant finalement chacun à vendre ses biens pour pouvoir s’offrir une journée de bonheur à la plage.
En choisissant de rester dans la ville (il donnera une caméra à l’un des personnages rencontrés pour qu’il filme la fête à sa façon… donnant ainsi à celle-ci un caractère irréel), Marcelo Gomes construit un documentaire lui aussi tout en contrastes, opposant le nom d’une rue (l’allée des cocotiers) et la réalité désertique de son paysage, les terminologies utilisées (« Mon surnom c’est Heures sup », « fiers d’être maîtres de leur temps »…) à la réalité du labeur (7h30 à 22h00 pour le travail, jusqu’à 6h00 du matin pour le marché…). Finissant par être touchants dans leurs contradictions de rêveurs éveillés, ses « héros » pris dans le cauchemar de « l’or bleu » resteront sans doute longtemps dans vos mémoires.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur