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JOSEP

Un film de Aurel

Le croquis d’un passé atroce d’où l’humanité surgissait tout de même

Valentin, un adolescent passionné de dessin, se retrouve coincé pour quelques heures avec son grand-père, alité. Celui-ci, dont la mémoire a tendance à se brouiller, lui raconte alors février 1939, alors que les combattants républicains espagnols qui fuyaient le pays, se retrouvaient parqués dans des camps en France. Évoquant l’intérêt d’une nouvelle recrue parmi les gendarmes, pour un prisonnier dénommé Josep, il commence alors à éveiller son intérêt…

Josep film animation

Ouvrant le long métrage, des yeux du loup qui s’allument dans l’obscurité, symbolisent sans doute autant la menace fasciste, qui prend alors le dessus, à la fin de la guerre d’Espagne, que le danger qui guette les derniers survivants parvenant à passer la frontière, voire une fois en France. Avec quelques traits, mêlant dessin et peinture, Aurel parvient d’emblée à exprimer l’horreur du massacre systématique des fuyards, l’aspect fantomatique des réfugiés (yeux exorbités comme épouvantés, mouvements elliptiques comme traversant les lieux furtivement…), que la hargne envers une France qui n’a pas bougé et une Europe qui a laissé faire. Des paroles fusent, dénonciatrices, résonnant forcément avec l’immobilité internationale actuelle face à ceux qui menacent ouvertement la démocratie, et ils sont nombreux, chacun à leur manière, de Assad à Erdogan, de Poutine à Xi Jinping, de Trump à Orbán…

Mais le sujet du magnifique "Josep", évoquant le destin particulier de l’artiste Josep Bartolí, est avant tout fixé sur la condition (in)humaine des réfugiés de l’époque. Il détaille ainsi l’effrayant contexte de camps de concentrations construits par les Français (ou plutôt par les prisonniers eux-mêmes, comme le montre une séquence), de l’absence d’hygiène aux souffrances multiples (faim, froid, maladies...), jusqu’au harcèlement subi de la part des gendarmes. Posant des questions légitimes et d’actualité par la bouche de ses personnages (un échappé qui affirme que « la chasse aux étrangers est ouverte », un homme qui s’interroge « jusqu’à quel point doit-on obéir à un ordre ? », une infirmière qui déclare qu’« il y en a trop »...), affirmant haut et fort un devoir de mémoire au travers de celle, défaillante, du conteur, le film est à la fois un récit rude et tendre, trempé dans un graphisme qui se forme sous nos yeux, parfois incrédules. Une œuvre en forme, au final, d’invitation à se tourner vers la vie, à « accepter les couleurs » (qui s’imposent autour de certains personnages, mais aussi au fil du métrage), quels que soient les souvenirs que l’on laisse derrière.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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