EPICENTRO
Face au monde
Un séjour à Cuba est l’occasion de questionner les bases du monde moderne : colonialisme, interventionnisme et communication…
Hubert Sauper, réalisateur du percutant "Le Cauchemar de Darwin", documentaire mondialement reconnu (César du meilleur documentaire, nomination à l’Oscar), nous revient avec une immersion dans le Cuba d’aujourd’hui, regard critique sur ce qui a fondé l’île et fait ce qu’elle est aujourd’hui, plus qu’une utopie. Au travers des témoignages souvent lucides des habitants (même les enfants, parfaitement au fait du diagnostic politique...) c’est aussi le rôle de l’image qu’il questionne, le cinéma étant au final pointé du doigt comme l’un des principaux vecteurs d’une certaine forme de colonialisme, car revisitant l’Histoire pour donner une image plutôt qu’une autre. Le tourisme est également la cible du film, car réduit au final à une relation de pouvoir via la consommation (culturelle, sexuelle...).
Si les parallèles avec le geste de cinéma sont en effet assez troublants, et si le diagnostic qui se dessine en creux paraît pertinent, le film manque cependant d’une réelle structure, qui permettrait de démêler les trois notions développées. Au lieu de cela, Sauper se contente de passer d’un interlocuteur à un autre, comme au gré de rencontres. Restent cependant quelques images marquantes et signifiantes, comme celles qui concluent le film, en résonance à son premier plan, montrant des êtres humains affrontant une mer déchaînée, comme un peuple qu’un modèle extérieur aurait voulu abattre, mais qui est toujours bien présent et vivant, avec sa propre utopie. Grand Prix du documentaire au festival de Sundance, dans la catégorie Cinémas du monde, "Epicentro" a le mérite de soulever de multiples questions et de montrer que les habitants du pays, malgré les apparences, ne sont pas à terre.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur