TIJUANA BIBLE
Une œuvre âpre et anxiogène
Nick, ancien soldat en Irak, vit désormais dans la ville de Tijuana. Un jour, il fait la connaissance d’Ana, une jeune mexicaine à la recherche de son frère. Il décide alors de l’aider dans sa quête, quitte à se mettre à dos de nombreux narco-trafiquants…
Avec ses longs métrages, Jean-Charles Hue ("Mange tes morts"…) nous avait plutôt habitué à capturer ses intrigues dans le milieu gitan. Le voir filmer dans les ruelles poussiéreuses d’un Tijuana des rejetés peut ainsi paraître surprenant. Mais cela serait mal connaître le réalisateur qui a consacré de nombreux courts métrages documentaires à cette ville qui le fascine depuis longtemps. Dans ce drame poisseux, le cinéaste s’intéresse au parcours d’un vétéran meurtri par son service en Irak. Devenu un camé plongé dans l’anonymat d’une zone qui ne compte plus ceux dont le shoot est désormais la seule échappatoire, l’ancien soldat erre, se faisant souffrir pour se rappeler qu’il est en vie. Sa rencontre avec Ana, jeune mexicaine à la recherche de son frère porté disparu, va tout chambouler, lui redonner un but, quitte à se mettre à dos les caïds locaux. Peu importe, la mort serait probablement plus une délivrance qu’une souffrance.
Tendu et troublant, le film est une descente sans concession dans les méandres d’une métropole où le crime s’est transformé en banalité, où les faces patibulaires peuplent les pubs du coin, où le tourisme n’existe plus par peur de l’insécurité chronique qui ronge les environs. Ultraréaliste, refusant tout artifice et invitant des acteurs non professionnels à se mêler au casting, "Tijuana Bible" est une expérience éprouvante, un périple comme le cinéma en propose rarement, avec une violence non feinte, comme si les comédiens étaient véritablement en danger, comme si chaque ombre était une menace réelle. Porté par un excellent Paul Anderson (l’Arthur Shelby de la série "Peaky Blinders"), ce thriller s’avère aussi bien un trip spirituel où se croisent damnés et repentis qu’un western sous l’influence de Sam Peckinpah.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur