LE COLOCATAIRE
Quelque chose d’universel
Juan décide de louer ce qui était la chambre de son frère dans son appartement, à Gabriel, un blond qui travaille dans le même atelier. Juan a une copine régulière. Gabriel, lui, est veuf et voit régulièrement sa fille Ornella, qui vit chez ses grands parents. Mais rapidement le trouble s’installe entre les deux hommes…
Il y a dans le nouveau film de l’argentin Marco Berger, quelque chose de profondément universel. Alors peu importe que ses personnages principaux soient deux hommes, qu’une attirance réciproque va rapprocher. Il aurait aussi bien pu s’agir d’un homme et d’une femme, le scénario, s’intéressant avant tout à la manière dont parfois l’un veut d’une relation et l’autre non, et à la manière dont les hasards viennent perturber le cours d’une histoire d’amour en gestation, jusqu’à la détruire dans l’œuf. Et ici les éléments perturbateurs sont multiples, qu’il s’agisse des ex-conquêtes, des potes ou de sujets d’intérêt divergents.
Une fois de plus tourné vers les êtres, Marco Berger ("Mariposa", "Plan B") scrute les détails (une main qui s’attarde, hésitante, un regard insistant, un autre fixant le vide...), qui traduisent l’attirance, la frustration, la déception... Dans des décors qui se limitent à un salon, deux chambres, un atelier, et de rares autres intérieurs, il place ses personnages dans l’inconfort permanent, face à un homme timide difficile à cerner, dans une relation toxique qui s’installe... Traitant du respect de soi et de l’autre, "Le colocataire" évoque délicatement le poids de la religion, le désir de normalité, le perte comme la découverte.
Il permet à Gaston Re, formidable en Gabriel, anti-héros auquel on s’attache très vite, de faire preuve d’un talent d’orfèvre dans la suggestion. On l’observe, dans ses réactions les plus dignes, imaginant la tempête qui souffle sous son crâne. Il donne également un rôle, certes plus ingrat, à Alfonso Barón, parfait en dragueur sans scrupule, dont la conscience s’éveille cependant peu à peu quant à l’impact de ses gestes. Entre les deux, Marco Berger nous fait témoins d’une liaison dont le secret pèse de plus en plus, avant que le film ne s’ouvre, lors d’une des rares scènes extérieure, sur une jolie note d’espoir.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur