À MA PLACE
Portrait intime d’une militante
Printemps 2016. Jeanne Dressen suit Savannah, une étudiante en sociologie, cherchant à intégrer l’Ecole Normale Supérieure en sciences sociales, dont le militantisme se traduit par son implication non seulement dans le mouvement Nuit Debout, mais aussi dans les manifestations contre la Loi Travail…
Avec acuité, Jeanne Dressen observe Savannah, étudiante, en train de s'observer elle-même, commentant ses limites (fatigue, extinction de voix, excès d’autorité...) avec la réalisatrice, qui la suit. Avouant ses aspirations (elle n’aime pas la ville, s’y rend par contrainte…), faisant part avec pudeur de ses ennuis (en 2012, un gros souci de santé l’a obligée à arrêter ses études, qu’elle a reprises en sociologie en 2014), ou dévoilant peu à peu son passé militant (elle a été zadiste et a manifesté lors de la Cop21…), cette jeune femme s’ouvre au monde comme à nous, au fil d’un documentaire en forme de parcours initiatique.
"À ma place" offre, à travers son regard, une vision contrastée des moments vécus Place de la République à Paris, lors du mouvement Nuit debout (2016), aspiration à une gouvernance citoyenne et égalitaire à l’image du mouvement 15M qui a vu le jour en Espagne en 2011 avec également l’occupation d’espaces publics. Par bribes, l’on observe sa manière de temporiser face aux CRS, les fouilles de sacs, les montées de tension. Sont ainsi évoquées les pressions policières (flashball dans les fesses pour elle, qui appuie sur le nerf sciatique, ami blessé à l’œil…) et la détermination des individus qui « ont peur, ont mal, sont en colère... mais vont continuer ».
Mais c’est aussi la manière dont le militantisme envahit progressivement la vie de Savannah, avec derrière tout cela, la notion d'un avenir, pour elle - et de manière générale pour la jeunesse -, qui sont scrutés par la réalisatrice, avec une certaine tendresse. De la capture d’un moment de fatigue lorsqu’elle déclare dans un discours engageant à consacrer du temps au mouvement, « tout le monde a un travail », alors qu'elle n'en a pas elle-même, à la scène délicieuse du repas en famille, où le père demande de ne pas parler de politique, alors qu'il porte lui-même un T-Shirt des Anonymous, les contradictions se font jour, obligeant la jeune femme à faire finalement des choix.
Des choix que l’ellipse finale de près d’un an, viendra saluer avec justesse, proposant une conclusion à la forme résolument positive. "À ma place" en devient ainsi un documentaire sur le caractère formateur du militantisme, à l’image de cette école en laquelle son personnage central déclare croire, car c’est « là où on a les réponses quand on n’en a pas à la maison ». Et si la capacité du mouvement à faire changer les choses, individu par individu, est affichée, c’est avant tout Savannah qui aura été la première à l’expérimenter.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE
À ma place – Bande annonce from Kamea Meah on Vimeo.