RARE BEASTS
Un renoncement tourmenté
Mandy ne croit plus en les hommes. Alors qu’elle dîne avec Pete, elle se dit que cet homme qui n’a rien pour lui plaire (il est religieux, exigeant, désagréable…), pourrait bien être le bon choix…
Révélée en Rose Tyler, l'assistante du fameux Docteur dans les premières saison de "Doctor Who", puis vue dans "Mansfield Park" côté ciné et dans de nombreuses autres séries télé ("Journal intime d'une call-girl", "Penny Dreadful" ou "Collateral"), Billie Piper présentait à Venise en 2019, dans la section Semaine de la critique, son premier long métrage "Rare beasts". Un film annoncé comme une anti-comédie romantique, dans lequel elle se met elle-même en scène, en jeune femme s'engageant dans une relation en forme de renoncement à l'amour. Une idée de départ plutôt sympathique et intrigante, pour un film profondément cynique, mais dont les nombreuses idées de mise en scène ne parviennent pas à compenser la lourdeur d'un propos qui prend en permanence le spectateur à rebrousse-poils, provoquant au final un profond rejet du personnage, comme du discours, pourtant engagé.
Car il s'agit bien ici de mettre à bat le patriarcat, en pointant d'un côté toutes les attitudes méprisantes, rabaissantes, désagréables, d'un compagnon bourré de principes hérités de sa propre éducation et d'une position dominante de l'homme dans la société, et de l'autre, toutes les compromissions auxquelles serait prête une femme dépressive que chacun hésiterait à fuir tant elle suinte le mal-être. Pour cela, la réalisatrice tente aussi bien de transmettre le chaos intérieur de son personnage (on entend un mélange de mots et de sons incarnant ce tourment cérébral, on assiste à ses nombreux questionnements...), que de comparer sa manière d'agir avec celles de ses amies (la soirée entre copines, le mariage d'une amie en Italie...), ou de toucher du doigt le poids de la relation à l'entourage (le premier repas chez la belle famille, les agissements de son propre père qui ne pense qu'à se barrer...). Le tout est malheureusement tellement teinté de malheur et de décpetions, que le portrait en devient vite indigeste, malgré un final, dans la rue, qui redonne tardivement une perspective d'estime de soi à ce personnage qu'on a bien du mal à aimer et donc à suivre dans ses multiples interrogations.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur