DOSSIERZoom sur un thème
ZOOM SUR UN THÈME : ÉPIDÉMIES ET PANDÉMIES AU CINÉMA (PARTIE 2 : 2002-2017)
La pandémie continue, le confinement aussi, les solutions envisagées varient selon les pays et les diverses propositions. Et le cinéma continue d’être une possible inspiration en ayant abordé des situations similaires par la fiction.
Après une première partie axée sur les films du XXe siècle, voyons ce que les deux dernières décennies ont à nous proposer.
28 JOURS PLUS TARD (2002)
De Danny Boyle
Avec Cillian Murphy, Naomie Harris, Brendan Gleeson, Christopher Eccleston, Megan Burns…
Voir en ligne : en VOD sur Orange ou Canal VOD (VF ou VOST)
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Ce film commence par une action de défenseurs des droits des animaux qui libèrent des singes utilisés dans un laboratoire anglais pour les besoins d’obscures expérimentations. Leur ténacité militante les conduit à manquer de prudence, oubliant à la fois la férocité naturelle des animaux et la possibilité qu’ils soient porteurs d’un virus – ce qui est doublement le cas dans ce prologue. Laissons rapidement de côté le fantasme du virus créé en laboratoire (thèse paranoïaque systématique des complotistes de tous poils) et focalisons-nous plutôt sur le fait que ce début permet d’évoquer les précautions insuffisantes que prennent les sociétés ou les individus face aux risques sanitaires.
En situant le reste du film 28 jours après le début de la contamination, Danny Boyle et son scénariste Alex Garland nous montrent aussi ce à quoi ressemblerait notre vie si les autorités (politiques, sanitaires ou militaires) perdaient totalement le contrôle d’une épidémie et si nous n’avions même plus les moyens d’être informés par les médias sur l’évolution des évènements. Les rues vides de Londres sonnent aussi comme un écho extrême aux restrictions de déplacement que nous vivons avec l’épidémie du Covid-19. Idem pour le mode de contamination : les gouttes de sang projetées dans la bouche ou dans les yeux rappellent les fameuses gouttelettes qui transmettent le coronavirus à un mètre de distance. Enfin, l’inutilité soudaine de la monnaie peut être vue comme une réévaluation de la hiérarchie des valeurs et des priorités dans un contexte où les activités économiques sont forcément perturbées par des problèmes qui les dépassent. Cela rappelle quelque chose, non ?
Raphaël Jullien
LES CONTES DE TERREMER (2006)
De Gorō Miyazaki
Avec les voix d’Ai Teshima, Bunta Sugawara, Jun’ichi Okada, Jun Fubuki, Yuko Tanaka…
Voir en ligne : sur Netflix (VF ou VOST)
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Parmi notre sélection, ce film (adapté d’un cycle littéraire) est moins concerné par la thématique que les autres, car l’épidémie dont il parle n’est qu’une des conséquences d’un phénomène de plus grande ampleur dans cet univers fictif où « l’Équilibre du monde » court un grave danger. Le terme d’épidémie n’est donc évoqué que dans la première partie, mais il est intéressant de noter quelques éléments. Tout d’abord, elle est abordée dans le cadre d’un conseil royal où l’on apprend qu’il s’agit d’abord d’une épizootie : les élevages sont massivement touchés par une « fièvre inconnue ». Contrairement à ce qui a souvent été observé pour la pandémie du COVID-19, le roi réagit très rapidement malgré les incertitudes sur la possible contamination de premiers humains. Ainsi, tout en appelant au calme, il ordonne l’isolation des « zones infestées pour stopper l’épidémie », la mobilisation des « guérisseurs aptes à guérir le mal », la prise en considération des paysans affectés par la perte de leur bétail et la rédaction d’un « rapport détaillé ». Soit quatre points essentiels : protection, mobilisation, indemnisation, évaluation.
Plus tard, le personnage appelé Épervier considère qu’il s’agit d’un danger plus grave car il estime qu’« une épidémie a pour but de restaurer l’Équilibre du monde ». Encore plus tard, le même protagoniste affirme que « tout ce qui existe sur cette terre repose sur l’Équilibre » mais que « les humains seuls ont le pouvoir de tout dominer » et que c’est pour cela qu’il « faut effectuer des recherches afin de savoir comment préserver l’Équilibre ». On peut aisément interpréter cela comme un discours sur l’écologie et sur la responsabilité humaine. Si l’on ajoute que le film propose une réflexion plus large sur les liens entre la peur de mourir et la peur de vivre, il y a de quoi méditer sur notre propre monde…
Raphaël Jullien
REC (2007)
De Paco Plaza et Jaume Balagueró
Avec Manuela Velasco, Pablo Rosso, Ferrán Terraza, Jorge-Yaman Serrano, Vicente Gil, Javier Botet, Carlos Lasarte…
Voir en ligne : en VOD sur Filmo TV, Orange, Canal VOD (VF ou VOST) ou MyTF1 VOD (VF seulement)
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Rappelons brièvement le pitch de ce film d’horreur de type found footage (une catégorie spécifique du faux documentaire) : une journaliste et son caméraman suivent des pompiers de Barcelone lors d’une intervention nocturne, alertés par des habitants d’un immeuble au sujet de hurlements répétés d’une voisine. Sur place, tout dégénère rapidement : la femme en question mord un policier à la gorge et le blessé ne peut pas être évacué car, entre-temps, les issues du bâtiment ont été soudainement condamnées pour des raisons inexpliquées ! Les personnages comprennent progressivement que les autorités les ont mis en quarantaine après la détection d’un virus inconnu sur le chien qu’une famille de l’immeuble venait d’amener chez le vétérinaire.
Force est de constater que, dans ce film, les autorités espagnoles ont réagi avec une impressionnante rapidité qui contraste avec les hésitations des divers gouvernements du monde pour le Covid-19 ! L’origine animale de l’épidémie naissante et sa transmission à l’homme sont ainsi identifiées très rapidement, et la gravité de la situation pousse les autorités à opter pour une solution radicale : le confinement strict des habitants de l’immeuble d’où proviendrait le virus. Il est difficile d’imaginer que de telles décisions, aussi promptes et avec de telles incertitudes, soient possibles de la part d’un gouvernement, qui plus est dans une démocratie. Finalement, ce film a au moins le mérite de poser des questions éthiques majeures : dans quelle mesure et comment peut-on décider de sacrifier une partie de la population pour sauver la majorité ? Une telle interrogation résonnera forcément avec les débats sur les priorités à établir en cas de débordement des hôpitaux ou d’insuffisance de traitements. Sur un autre sujet, l’immersion de l’équipe de télévision entre forcément en écho avec la nécessité de poursuivre le travail journalistique dans une période comme la crise du Covid-19, et cela pose aussi la question de la transparence des informations, qui n’est possible que si les médias eux-mêmes y ont accès.
Raphaël Jullien
PHÉNOMÈNES (2008)
De M. Night Shyamalan
Avec Mark Wahlberg, Zooey Deschanel, John Leguizamo, Jeremy Strong, Betty Buckley…
Voir en ligne : en VOD sur MyTF1 VOD, Canal VOD ou Orange (VF ou VOST)
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Ce film décrit de manière très réaliste la manière dont une épidémie frappe le Nord-Est des États-Unis de manière soudaine. Cette épidémie est très particulière : elle bloque le fonctionnement hormonal et inverse le processus de préservation dans le cerveau humain. Ainsi une fois que les gens sont contaminés, ils vont tenter de se suicider. Mais qui est capable de provoquer ça ? Les autorités pensent d’abord à une attaque bioterroriste, car seules les grandes villes sont touchées. Mais très vite, quand l’épidémie se répand dans de plus petites villes et atteint des sphères de population de plus en plus restreintes, de façon systématique, il devient nécessaire d’accepter une autre hypothèse : l’agresseur n’est pas humain, mais naturel. Et ce sont les plantes qui attaquent.
Les mesures de confinement sont inefficaces dans ce film. Les populations urbaines fuient, mais très vite, seuls des petits groupes séparés survivent et partent en quête, dans la campagne, d’une protection isolée, l’« autre » étant devenu un risque. Suivant le véritable fonctionnement d’une épidémie, mais concentré sur un temps très bref, ce film se structure sur la progression exponentielle de la maladie jusqu’à un pic extrême qui précède sa disparition. Comme un avertissement. Toute ressemblance avec la situation actuelle est purement fortuite.
Thomas Chapelle
CONTAGION (2011)
De Steven Soderbergh
Avec Marion Cotillard, Matt Damon, Laurence Fishburne, Jude Law, Gwyneth Paltrow, Kate Winslet, Jennifer Ehle, Elliott Gould, Sanaa Lathan…
Voir en ligne : en VOD sur Canal VOD, Orange, MyTF1 VOD (VF ou VOST) ou FilmoTV (VF seulement)
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Parmi la grande famille des catastrophes, les crises d’épidémies posent des problèmes particuliers. Comment comprendre un phénomène invisible, qui se transmet de façon pernicieuse par de simples poignées de mains, ou par des éternuements ? Comment accepter que l’on puisse être un danger pour ses proches alors même que l’on essaye de prendre soin d’eux ? Comment imaginer que la maladie d’un obscur habitant chinois puisse se diffuser au reste de la planète ? Pour tous ceux qui ont eu la bonne idée de découvrir "Contagion" avant que la crise sanitaire ne frappe le pays, les choses ont peut-être été plus faciles à appréhender.
Réalisé par Steven Soderbergh en 2011, il est le premier film auquel on pense en ce moment, pour une raison simple : il s’agit pratiquement d’un documentaire sur le phénomène de pandémie dont il explore les aspects majeurs. Tout d’abord la question scientifique, en montrant les recherches médicales pour analyser le virus, comprendre ses symptômes, trouver le vaccin. Mais aussi les enquêtes de terrain en cherchant le patient zéro, en remontant la chaîne de la contagion et en isolant les premiers malades. L’aspect politique suit, avec la gestion de crise : la coordination entre les différents centres de recherche, les autorités politiques et militaires, et la communication médiatique. Puis viennent les mesures à adopter : quarantaine, blocus, rationnement, et toutes les conséquences en termes de paranoïa, de psychose collective ou de violences.
Le fait de revoir ce film aujourd’hui en fait une expérience très intéressante puisqu’il ne s’agit plus seulement d’un regard de cinéphile enthousiaste, mais d’un miroir de la réalité que nous vivons. Le spectateur actuel est en mesure de juger sur pièce de la crédibilité de l’œuvre au regard du son quotidien. Et autant dire que le film passe le test haut la main ! C’est bien simple, tout y est : l’incrédulité première face à un risque qui semble exagéré, puis l’inquiétude grandissante, la modification des rapports sociaux (on ne se touche plus, on s’éloigne des autres), les médecins qui tombent au front, la crise alimentaire, la panique de la population, l’activisme des industries pharmaceutiques… Un air de déjà-vu ?
La réussite de ce traitement tient, en grande partie, au travail du scénariste Scott Z. Burns qui s’est archi-documenté durant l’écriture. Mais ce film n’est pas seulement réaliste : il paraît même prophétique puisque cette épidémie fictive démarre en Chine, et son origine remonte à (attention spoiler !) une chauve-souris. Ce que le binôme Soderbergh-Burns a eu la bonne idée de ne dévoiler qu’à la fin. En revanche, et c’est heureux pour nous, on peut constater qu’il est un peu trop alarmiste sur les conséquences, puisqu’il semble exagérer le nombre de morts et les phénomènes d’hystérie et de violences. Cependant soyons prudent, ce texte est rédigé en direct de la première semaine de confinement et nous n’en sommes, parait-il, qu’au début, donc il s’agit peut-être de la prochaine étape…
David Chappat
WORLD WAR Z (2013)
De Marc Forster
Avec Brad Pitt, Mireille Enos, Daniella Kertesz, James Badge Dale, David Morse, Matthew Fox, Ruth Negga…
Voir en ligne : sur Netflix ou en VOD sur Orange, Canal VOD, MyTF1 VOD ou Filmo TV (VF ou VOST)
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Même si le coronavirus ne nous transforme pas en zombies, le film de Marc Forster, adapté du roman de Max Brooks, peut inciter à réfléchir à la crise sanitaire mondiale de 2020. La zombification n’est en effet qu’une façon de matérialiser à l’extrême les caractéristiques et conséquences d’une pandémie. La recherche du « patient zéro » (terme que sans doute beaucoup de gens ignoraient avant la crise du Covid-19, hormis peut-être ceux qui étaient adultes lors de l’apparition du SIDA à la fin des années 80) est à la base des aventures de Gerry Lane (Brad Pitt), qui parcourt le monde pour aider les scientifiques à définir le virus et élaborer un vaccin. Son trajet, des États-Unis au Pays de Galles, en passant par la Corée du Sud et Israël, permet au héros (et aux spectateurs) de prendre conscience de l’ampleur du désastre et la scène de l’avion nous rappelle à quel point l’interconnexion mondialisée des sociétés facilite la diffusion d’une maladie.
Lors de plusieurs étapes-clés, grâce à l’observation attentive des faits, il est aussi capable de comprendre progressivement la manière dont se transmet le virus ou dont on s’en protège – d’une certaine façon, Gerry Lane est plus du côté des pragmatiques qui estiment qu’on n’a pas le temps d’attendre les résultats de longues et rigoureuses études scientifiques. Sans en dévoiler les détails, notons aussi que la fin a de quoi déplaire aux antivax les plus paranoïaques qui n’admettent pas que l’on puisse guérir le mal par le mal. En chemin, on peut également constater divers comportements humains qui peuvent rappeler l’actualité : l’inconscience ou l’égoïsme de certains, les mouvements de panique, l’esprit de sacrifice de certaines professions…
Raphaël Jullien
PANDÉMIE (2013)
De Kim Seong-su
Avec Jang Hyuk, Soo Ae, Park Min-ha, Yoo Hae-jin, Ma Dong-seok…
Voir en ligne : en VOD sur MyTF1 VOD, Canal VOD, FilmoTV (VF ou VOST)
Réjouissons-nous car le monde entier l’a découvert cette année avec le triomphe inimaginable de "Parasite" : le cinéma sud-coréen contemporain est exceptionnel. Depuis quelques années, il brille particulièrement par ses thrillers, mais aussi par ses films catastrophes. "Pandémie", réalisé en 2013 par Kim Seong-su, est l’exemple-type du film catastrophe spectaculaire sur le thème de l’épidémie. Mais ce n’est pas le plus réaliste, loin de là. Pour autant, il est tout de même très réussi car il saisit parfaitement l’esprit qu’implique ce type de phénomène.
Il aborde cela à travers l’histoire d’un homme qui rencontre une femme célibataire et sa petite fille. Les scénaristes ont fait simple : le premier est secouriste et la seconde médecin, ce qui nous permettra d’entrer rapidement dans le vif du sujet. Le virus part, une fois de plus, de Chine et il sera importé en Corée par un clandestin. Importé au sens propre du terme puisqu’il voyage illégalement dans un container. Cela n’est pas anecdotique puisque nous constatons que les virus de l’ère moderne se propagent d’autant plus vite qu’ils sont favorisés par les flux incessants de la mondialisation, dont le container est l’ultime symbole. La maladie se propage ensuite de façon très rapide. Tout le monde en prend conscience grâce à un raccourci scénaristique assez osé : au cours d’une scène durant laquelle politiques et médecins s’opposent sur le degré de gravité du problème, on assiste à un accident de voiture à grande échelle, puis à l’arrivée massive des malades : « Des tas de malades arrivent, les urgences sont submergées ! »
À partir de là, naturellement, tout s’emballe. Les magasins sont pris d’assaut, les réseaux routiers sont placés sous contrôle militaire. Dès lors, il sera moins question de problématiques liées à la maladie que de gestion d’une ville sous quarantaine. Car la spécificité de ce film est que nous restons concentrés sur une seule ville, Séoul, qui est immédiatement fermée afin que le reste du pays ne puisse être infecté. La grande idée est la mise en place d’un camp gigantesque, géré de manière autoritaire, dans lequel l’ensemble des malades sont regroupés. Or nous finiront par découvrir (attention spoiler !) que les malades ne sont pas guéris, car il n’existe pas de vaccin, mais tout simplement inhumés à grande échelle dans un stade transformé en incinérateur géant. L’enjeu final sera d’ordre à la fois politique et moral, puisqu’il mettra en scène un bras de fer entre, d’un côté, le président du pays qui refuse l’autoritarisme, et de l’autre, un premier ministre sous influence d’un représentant américain qui suggère de tirer sur la foule lorsque celle-ci menace de s’échapper de la ville.
David Chappat
DERNIER TRAIN POUR BUSAN (2016)
De Yeon Sang-ho
Avec Gong Yoo, Jeong Yu-mi, Kim Su-an, Ma Dong-seok, Choi Woo-sik, Ahn So-hee…
Voir en ligne : en VOD sur Orange, Canal VOD, MyTF1 VOD (VF ou VOST) ou UniversCiné (VOST seulement)
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Au Festival de Cannes 2016, en séance de minuit, un film coréen de zombies a fait sensation. Il s’agissait de "Dernier train pour Busan", dont la suite, "Peninsula", doit sortir cette année (prévu pour le 12 août prochain). Alors qu’un virus transforme les habitants en créatures assoiffées de sang, des passagers se retrouvent coincés à bord d’un train, espérant gagner une ville supposée non atteinte par l’épidémie. Avec quelques scènes cultes, comme une halte dans une gare intermédiaire désertée ou la traversée d’un wagon empli de créatures qui ne réagissent qu’au son dans l’obscurité, le film a de quoi faire sursauter.
Mais globalement c’est avant tout la tentation individualiste ou l’entraide qui sont mises en évidence au travers des attitudes des personnages, tout comme les différences de chance face au danger, en fonction de l’âge ou de la richesse. L’aspect désert des lieux est aussi un facteur d’angoisse, comme certaines visions actuelles de lieux connus ou familiers. Ou quand une épidémie bouleverse aussi nos paysages habituels…
Olivier Bachelard
CARGO (2017)
De Ben Howling et Yolanda Ramke
Avec Martin Freeman, Simone Landers, Susie Porter, David Gulpilil, Anthony Hayes, Caren Pistorius, Kris McQuade…
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Dans ce film de zombies, on est plongés directement après la vague d’une mystérieuse épidémie qui a ravagé l’Australie. Accompagnant une petite famille qui survit sur un bateau, on prend conscience que le pays a pourtant tout essayé, en distribuant massivement des kits contenant les « procédures de confinement », la liste des symptômes (fièvre, nausées, vomissements, convulsions), une carte montrant les zones touchées ou encore une immense piqûre – qui semble plutôt avoir pour objectif d’euthanasier les malades condamnés afin de préserver les survivants, car on comprend aussi plus tard que tous les meilleurs scientifiques ont tenté en vain de trouver des remèdes.
Dans ces conditions, on prend la mesure de l’état psychologique des rescapés, entre désespoir, folie et égoïsme. Malgré tout, certains continuent de se battre jusqu’au bout. Et lorsqu’un père cherche désespérément une personne de confiance pour prendre en charge sa fille, on ne peut que penser à celles et ceux (les soignants notamment) qui font face à ce besoin paradoxal de faire garder leurs enfants pendant la période de quarantaine. Plus incidemment, une brève séquence montre une jeune Aborigène ayant fabriqué un faux téléviseur et sa télécommande avec des pierres et de la peinture, alors que nous-mêmes sommes aussi en train de réinventer des manières de nous divertir à domicile. Avec une différence de taille : les écrans ont, au contraire, pris une place croissante dans nos vies, devenant plus que jamais d’autres fenêtres vers le monde extérieur.
On comprend surtout dans ce récit qu’une partie des Aborigènes sont repartis « vivre à l’ancienne » et sont finalement ceux qui « s’en sortent mieux ». Il y a de quoi penser à tous les discours actuels sur la nécessité de se servir de la pandémie de 2020 pour refonder une société sur des valeurs simples ou sur un mode de vie plus écologique et localiste. Car comme le personnage de Lorraine dans le film, tout le monde se demande si l’on peut vraiment s’attendre à connaître un « retour à la normale ».
Raphaël Jullien
MAIS AUSSI, EN FAISANT UN PAS DE CÔTÉ…
Comme nous l’avons vu avec l’exemple de "Threads", dans la première partie de notre article, il est possible de faire un lien entre épidémies et catastrophes nucléaires. Mais ce n’est pas la seule manière de faire un pas de côté pour trouver des échos avec les circonstances actuelles. C’est par exemple le cas des films plus ou moins post-apocalyptiques, qui ont de quoi entrer en résonance avec l’arrêt des mobilités et des activités économiques que nous connaissons en ce moment. Citons en vrac des films aussi divers que "La Dernière Femme sur Terre" (1960), "Le Dernier Combat" (1983), "Akira" (1988), "Waterworld" (1995), "Les Fils de l'homme" (2006), "Je suis une légende" (2007), "La Route" (2009), "Into the Forest" (2015) ou encore "Dans la brume" (2018), ce dernier reposant aussi sur le thématique épidémique. Pour une atmosphère un peu plus pré-apocalyptique, on pourra aussi regarder, avec des tonalités variées, du côté de "Les Derniers Jours du monde" (2009), "Melancholia" (2011), "4h44 Dernier jour sur Terre" (2011) ou "C'est la fin" (2013).
Si nous avons montré que de nombreux films de zombies étaient une manière de donner corps aux menaces invisibles que sont les virus, d’autres figures du cinéma fantastique peuvent aussi être interprétées, au moins métaphoriquement, comme des dangers invasifs de type épidémique. C’est le cas par exemple de certains films mettant en scène des monstres et autres bestioles surgies de nulle part, comme dans "Cloverfield" (2008), "Sans un bruit" (2018) ou "Bird Box" (2018), ces deux derniers poussant aussi au confinement. Parmi les menaces plus ou moins invisibles, on peut aussi faire un tour du côté des fantômes, par exemple dans des films japonais comme "Ring" (1998), "Kaïro" (2001) ou "Dark Water" (2002). Et les vampires sont une autre piste à envisager.
Les invasions, incursions ou contacts extraterrestres peuvent aussi être considérées comme une menace pour notre santé ou notre intégrité corporelle : pensez à la façon dont la créature de la saga "Alien" s’empare des personnages depuis 1979. D’autres films comme "L’Invasion des profanateurs de sépultures" (1956), "The Thing" (1982) ou "Edge of Tomorrow" (2014) sont d’autres alternatives pour parler de notre peur d’un corps étranger qui s’insère en nous jusqu’à la mort. Pour rester dans la science-fiction, les films se déroulant dans l’espace peuvent entrer en écho avec les situations de confinement et avec le sentiment d’éloignement des proches ou de la civilisation. Outre "Alien" déjà cité, on pourra mentionner "Les Naufragés de l’espace" (1969), "Solaris" (1972), "Perdus dans l’espace" (1998), "Sunshine" (2007), "Interstellar" (2014), "Seul sur Mars" (2015) ou encore le récent "Ad Astra" (2019).
On pourra pareillement trouver de l’inspiration du côté de robinsonades telles que "Le Lagon bleu" (1980), "Les Naufragés du Pacifique" (1998), "Seul au monde" (2000), "La Tortue rouge" (2016) ou encore la série "Lost" (2004-2010). Et si vous avez l’impression de vivre perpétuellement la même journée et de tourner en rond, il est aussi possible de faire un tour vers les boucles temporelles, dans des styles aussi divers que "Un jour sans fin" (1993), "Edge of Tomorrow" (2014), "La Colle" (2017) ou "Happy Birthdead" (2017). Il est également pertinent de citer des comédies dans lesquelles la majorité de l’humanité disparaît d’un seul coup : "Nothing" (2003), "Seuls Two" (2008), "Problemos" (2017) ou même, côté télé, "Les Guignols de l’info, la fiction" (1999), où la disparition soudaine des électeurs pourra être mise en parallèle avec la faible participation des élections municipales de mars 2020 ! Plus ponctuellement, on trouvera des scènes de quartiers anormalement vides, comme Madrid dans "Ouvre les yeux" (1998) ou New York dans son remake "Vanilla Sky" (2001).
Plus largement, on pourrait évidemment évoquer de très nombreux huis-clos (y compris des films de sous-marins) mais la liste serait trop longue et on pourrait continuer longtemps à rajouter d’autres pistes de comparaison. On s’en tiendra donc là, et n’oubliez pas : restez chez vous !
VOIR AUSSI : LA PARTIE 1 (1971-1998)