DE GAULLE
De Gaulle est décidément toujours trop grand pour le cinéma
En 1940 la France menace de s’effondrer face à l’invasion allemande. Au sein du gouvernement Reynaud deux lignes s’affrontent : celle du maréchal Pétain qui préconise l’armistice, anticipant une défaite militaire imminente, et celle du général De Gaulle qui milite pour une poursuite des combats grâce au soutient des pays alliés et aux ressources des colonies. Ce dernier est mandaté pour négocier l’aide de Churchill à Londres. A son retour, il découvre que le gouvernement est tombé et que Pétain a remplacé Paul Reynaud. En opposition avec la nouvelle politique, De Gaulle prend le risque de rompre avec les autorités françaises et de s’exiler à Londres, afin d’y représenter la France libre et d’organiser la résistance…
C’est un événement pour tous les amoureux de la France, ainsi que les passionnés d’Histoire et de politique. Si plusieurs téléfilms de qualité ont été consacrés au général, il n’a fait que de brèves apparitions au cinéma. Sa reconnaissance cinématographique était un manque flagrant. Roosevelt, Churchill, Hitler, Staline, Mussolini… la plupart des très grands dirigeants du XXe Siècle ont eu droit à leurs films, alors pourquoi De Gaulle échapperait-il à cette intronisation ? On attendait donc depuis longtemps un film entièrement consacré à cet homme : nous y voici enfin. Un réalisateur et ses producteurs ont eu le courage de se frotter au grand homme, et il faut commencer par les saluer et les remercier. Ceci étant dit, quand est-il du résultat ? Il s’avère un peu décevant, pour trois raisons.
La première tient à son scénario. Le récit est entièrement concentré sur les événements de l’année 1940, soit l’année charnière au cours de laquelle la France de Pétain accepte l’armistice, contraignant De Gaulle à l’exil en Angleterre, où il prononcera le fameux discours du 18 juin visant à organiser la poursuite de la lutte contre l’Allemagne. Ce choix est très pertinent, surtout pour le premier film sur l’homme, car il s’agit évidemment de la période décisive qui fait basculer son destin. C’est à ce moment qu’il émerge véritablement en entrant dans l’arène politique (en tant que secrétaire d’État du gouvernement de Paul Reynaud), en s’opposant directement aux représentants de l’ancienne génération de militaires (dans la continuité de son engagement historique en faveur d’une modernisation de l’armée) et en faisant le choix de quitter la métropole afin de représenter la France depuis l’Angleterre et les colonies (estimant que la guerre est mondiale, le combat peut se déplacer hors des frontières nationales).
Cependant le scénariste fait le choix de mettre en parallèle la trajectoire de De Gaulle avec celle de sa famille restée en France, en faisant un focus (par le biais de flashs back) sur sa relation particulière avec sa fille Anne, souffrant du syndrome de Dawn. Loin d’être inintéressante, cette partie de l’histoire à le tort d’être mise au même niveau que celle du général, comme si les enjeux étaient de même importance. Ces longues et incessantes « parenthèses » alourdissent terriblement le récit principal et cassent sa dynamique. Le récit pêche également par ses simplifications et raccourcis face à des enjeux historiques et politiques extrêmement complexes.
La seconde raison est son manque d’envergure. La seule manière de rendre justice à ce sujet était d’en faire une grande fresque historique, faisant ressentir le souffle épique d’un destin hors norme. Or nous avons plutôt droit ici à un portrait intimiste, qui s’attache à humaniser le personnage en insistant constamment sur son attachement envers sa femme et ses enfants. Un mélange des genres entre drame familial et film politique qui amoindrit sa consistance historique. Un manque d’envergure qui est aussi dû à un manque d’ambition, et probablement de moyens, mais surtout à une mise en scène beaucoup trop plate. Tout cela donne à l’œuvre l’aspect d’un téléfilm, alors que l’enjeu était justement de sortir le personnage de la petite lucarne pour le déployer avec flamboyance sur le grand écran !
Enfin le dernier motif d’insatisfaction est dû à l’interprétation principale. Lambert Wilson est loin d’être mauvais, il s’en tire même assez bien. Son physique est plutôt bien adapté à la silhouette du général et il échappe au ridicule en évitant l’imitation vocale. Mais force est de constater qu’il ne parvient pas suffisamment à incarner la puissance prophétique du personnage et à nous faire vibrer. Son interprétation est tout à fait honorable et juste, mais pas transcendante. A l’instar de Napoléon, De Gaulle n’a sans doute pas encore trouvé son interprète idéal (même si, étonnamment, Bernard Farcy en fut un excellent dans le très bon téléfilm "Le Grand Charles"). L’empereur ayant, pour sa part, eu droit à de plus remarquables fresques, espérons qu’à l’avenir le « plus illustre des français » inspirera le plus illustre des films.
David ChappatEnvoyer un message au rédacteurBANDE ANNONCE
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jeudi 12 août - 6h57