CHARLIE'S ANGELS
Les anges de la télé réalité
L’agence des Charlie’s Angels est désormais franchisée à l’international via différentes agences, dirigées chacune par leur propre Bosley et affectant toujours des femmes douées aux missions les plus périlleuses…
Il est difficile de se retenir de recenser toutes les âneries qu’on aura pu entendre avant la sortie du film, et qui, à elles seules, ont suffi à couler sec la substantifique moelle du projet. Reboot injustifié, teneur féministe mal argumentée, campagne marketing désastreuse (on a encore les yeux qui piquent quand on revoit son hideuse affiche), sans oublier les remarques d’une Elizabeth Banks décidément à côté de la plaque qui tentait de justifier le bide cosmique de son film aux États-Unis par l’impossibilité d’un public soi-disant sexiste à accepter l’idée d’un film où les femmes seraient les (super-)héroïnes. Pour essayer de contrer l’amnésie – ou le militantisme irraisonné – qui semble l’avoir atteinte, on lui conseillerait volontiers de jeter un coup d’œil à "Wonder Woman", à "Captain Marvel", à "Kill Bill" et surtout aux deux précédents films "Charlie’s Angels" pour vérifier si son attaque gratuite a la moindre valeur.
Et pour le coup, les deux jubilatoires films de l’ex-clippeur McG constituent à eux seuls le pire argument en sa défaveur. Ce qui était autrefois – et qui reste encore – visuellement fou et génialement girly (les deux premiers films n’ont pas pris une ride) obéit désormais à une toute autre démarche : ce qui se manifeste dans le cadre compte davantage que l’enjeu qui doit s’y installer. Il faut « voir » ce qui nous est mis bien en face et non pas « percevoir » ce qu’il y a autour. C’est un peu ce qui caractérise le cinéma hollywoodien aujourd’hui, où le business, le militantisme consensuel et le culte de l’apparence ne cessent de tout véroler.
Dans un sens, la miss Banks a traité les ficelles de ce reboot inutile comme elle avait traité celles de la suite de "Pitch Perfect" : avant même de traiter une histoire nouvelle et de développer un univers foncièrement intéressant, il est ici question de mettre en avant des looks, des postures et des visages. Dès les premiers plans où la team à Kristen Stewart se définit avant tout par des tenues et des coiffures (les deux changent très souvent durant tout le film…), et ce avant même qu’on en sache davantage sur chacune des héroïnes, on sait déjà dans quoi on s’embarque. A croire qu’une émule ricaine de Lisa Azuelos ("LOL") aurait traité la comédie d’espionnage à la manière d’un croisement contre-nature entre le défilé Gucci et la pub Jean-Louis David.
Pas d’humour décalé ni de véritable premier degré à relever dans ce produit de consommation courante, pas non plus de sexisme à conchier ici et là (même si la caractérisation des deux sexes a parfois des relents de misandrie déplacée), pas même d’action fun et décoiffante à se mettre sous la gencive, mais par contre, beaucoup de mauvais goût vestimentaire et de postures pour défilé de mode qui veulent nous faire croire qu’on peut sauver le monde avec des talons hauts, une tenue de soirée à cent patates et surtout « en le valant bien » (comme dirait la pub de vous savez quoi). Et l’intrigue, alors ? Ah bon, il y en avait une ?
Si encore la bêtise et le néant intersidéral de la chose avait pu être un minimum assumés par une quelconque audace de mise en scène, on ne serait pas aussi vindicatif. Après tout, McG assumait clairement le côté portnawak de ses deux films par une inventivité complètement punk et irréaliste, qui donnait l’impression d’une œuvre créée avec les deux doigts dans la prise. Rien de tout ça ici : ces "Charlie’s Angels" kardashianisées à 99% se consomment comme n’importe quel épisode de télé réalité, sans enjeu ni raison d’être. On est donc bien content que les trois actrices – en particulier Kristen Stewart – aient passé du bon temps et bénéficié d’une garde-robe qui a dû mobiliser plus de budget que l’écriture du scénario, mais ce n’est pas ce que l’on est en droit d’attendre d’une comédie d’espionnage. Le fabuleux trio formé par Cameron Diaz, Drew Barrymore et Lucy Liu n’est pas près de descendre de son podium. Elles, on les adore. Leurs remplaçantes, elles, peuvent aller se rhabiller.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur