LES ENVOÛTÉS
Subtilité et intelligence rare
Coline est une pure Parisienne qui vivote en faisant des piges pour un magazine. Un jour, on lui confie le « récit du mois ». Elle doit pour cela interviewer Simon, un peintre des Pyrénées qui prétend avoir vu le fantôme de sa mère. Sceptique, elle se rend cependant chez lui après que son amie Azar ait vécu la même expérience devant ses yeux. Au cœur de la montagne, dans une grande maison isolée, elle va rencontrer un homme, différent…
"Les Envoûtés" repose sur un jeu d’oppositions : la ville et la montagne, le réalisme et l’onirique, le « croire » et le « ne pas croire », la femme et l’homme. Coline incarne la ville et le scepticisme. Mais sa meilleure amie, sa seule amie, Azar, l’Espagnole, l’illustratrice, avec laquelle elle fume et pour laquelle elle pose nue, la fait sortir de son cocon bien rangé. Azar, c’est son amie, son ailleurs, celle qu’elle voudrait être.
Puis il y a Simon, cet homme étrange, misanthrope et taciturne, qui va lui dire des choses qu’on ne lui a jamais dites, des choses primales, d’une sexualité non soumise aux diktats sociaux. Une violence verbale gratuite qu’elle ne sait pas gérer et qui va, d’une certaine façon, la troubler. Simon ne vit pas comme elle, Simon existe hors des a priori, des attentes, dans un monde dans lequel « deadline » ou « citrons verts » sont des idées folles et des mots vides de sens.
Coline est persuadée qu’Azar et Simon sont faits l’un pour l’autre. Ils se ressemblent. Ce sont des artistes, des gens qui peuvent être à la fois doux et durs avec elle, des gens qu’elle admire et qu’elle porte aux nues. Et surtout, surtout, ce sont des personnes qui ont vécu la même expérience. Dès cet instant, dans l’esprit de Coline, une connexion mystique advient. Ils partagent quelque chose, même sans s’être jamais rencontrés, qu’elle ne pourra jamais avoir.
L’idée de leur rencontre est au cœur du film. Entre envie et angoisse pour Coline. "Les Envoûtés" est un film qui, par son travail sur la relation amoureuse, parvient à mettre son spectateur dans la même situation que la protagoniste. Lui même doit « croire ou ne pas croire » et se questionne sur le pouvoir d'une intime conviction. Un pouvoir créateur ou destructeur. Le réalisateur comprend admirablement son sujet et il a donc l’intelligence, jusqu’au dernier moment, et dans la structure même du montage du film, de laisser une suspension, une question, un doute, et de ne jamais donner une réponse.
Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur