LE MANS 66
Un casting au top pour une plongée passionnante et rétro au cœur du bitume du Mans
Henry Ford, second du nom, commence en avoir marre de voir Ferrari faire les gros titres de la presse et bénéficier d’une image glamour. S’il a hérité d’un empire, il compte bien lui aussi faire prospérer l’entreprise familiale. Et cela va passer par écraser la concurrence sur le circuit des 24h du Mans…
James Mangold adore les légendes américaines, qu’il s’agisse d’une personnalité (Johnny Cash dans "Walk the Line") ou d’un genre cinématographique ("Logan", soit le pari réussi de transformer un film de super-héros en néo-western). Le voir s’attaquer à l’automobile, et plus précisément au fleuron de l’industrie, Ford, n’a rien de bien surprenant. Mais comme souvent dans son cinéma, le schéma narratif annoncé s’avérera bien plus sinueux et contrasté que ce que laissait présager le postulat de départ. Le titre original "Ford v. Ferrari" le suggérait, le métrage a été marketé comme le grand affrontement entre deux magnats des bagnoles, guerre qui trouverait son apogée sur le tracé mythique du Mans. Il est vrai qu’il sera bien question de cette lutte entrepreneuriale, mais la focale se détourne très rapidement des coulisses pour faire briller les hommes qui risquent leur vie, ceux qui s’engagent à des vitesses folles sans même savoir si les freins tiendront le choc. La voix-off, bien qu’emphatique, a le mérite de rappeler les bases : seuls les individus osant s’élancer à 300 km/h sur une ligne droite peuvent se comprendre, appréhender le lien si particulier qui unit un véhicule et son pilote, et savoir in fine qui ils sont vraiment.
Si "Le Mans 66" démarre en caméra embarquée, histoire de rassurer ceux venus chercher des sensations fortes – du spectaculaire, il y en aura ! – l’intrigue sera avant tout humaine. Carroll Shelby, ancien professionnel des circuits, se voit confier la lourde mission de concevoir le bolide qui sera capable d’endiguer la suprématie des Ferrari. Parce que l’iconique carrosserie rouge ne fait pas que la une de la presse people grâce à son pouvoir attractif auprès des célébrités, elle écrase également toute forme de concurrence sur les courses desquelles elle prend le départ. Pour l’accompagner dans sa tâche, le champion retraité pourra compter sur son fidèle ami, Ken Milles, conducteur hors-pair et mécano de génie. Le duo dénote dans les rouages bien huilés d’une firme mondiale où les individus sont interchangeables, et pourtant, ils s’apprêtent à franchir tous les (nombreux) obstacles.
Passionnant et haletant, ce drame vrombissant vaut aussi bien pour la mise en scène esthétique et nerveuse de James Mangold que pour la partition admirable de ses comédiens principaux. Le caméléon Christian Bale prouve une nouvelle fois qu’il est à l’aise dans tous les rôles, bien épaulé par un sidekick Matt Damon qui, malgré un accent surjoué, évite le cabotinage grossier. Si les autres protagonistes peuplant le décor auraient mérité un traitement plus subtil (en particulier pour la caractérisation caricaturale des bureaucrates et d’Enzo Ferrari), le film réussit parfaitement à nous transporter au cœur de la compétition française, à nous faire vibrer à chaque étape préparatoire, et à nous conter le destin hors-du-commun de deux hommes dont seuls les initiés connaissent encore le prénom aujourd’hui. Certes, "Le Mans 66" suit un parcours académique sans aucune velléité de s’en détourner. Mais une sortie de route aurait bien été le comble pour un tel projet. Et l’émotion n’aurait peut-être pas été autant palpable sans ces quelques raccourcis qui permettent aux scénaristes de se focaliser sur l’essentiel : l’humain.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur