KOKO-DI KOKO-DA
Étrange à souhait
Elin et Tobias semblent inquiets pour leur fille, bloquée devant vieux moulin à musique dans une vitrine. Lui ayant offert l’objet, peu après, suite à un repas, la mère est soudain victime d’une apparente allergie. Le visage boursouflé, elle est hospitalisée. Le lendemain, alors qu’elle semble aller mieux, le père apporte un petit gâteau, espérant fêter un minimum l’anniversaire de leur fille, qui dort dans le lit d’à côté. Ils découvrent alors que cette dernière ne respire plus. Trois ans après cette mort dévastatrice, le couple, aux rapports tendus, part camper dans la forêt. Mais d’étranges personnages, peu hospitaliers, semblent peupler ces lieux…
"Koko-di koko-da" est un film danois, coproduit par la Suède, qui navigue avec une certaine réussite, entre drame personnel et fantastique. Auteur de "The giant", prix du jury à San Sebastian, et inédit en France, Johannes Nyholm a commencé le scénario de "Koko-di Koko-da" bien avant, il y a une dizaine d'années, s'inspirant de son observation des relations amoureuses, mais aussi d'un rêve qu'il a eu alors qu'il campait. Débutant sur l'apparition d'un groupe de personnages étranges, menés par un vieil homme au chapeau de paille, chantonnant une étrange comptine (une version du « Cop est mort »), le film plonge ensuite dans le drame réaliste, mettant à rude épreuve un couple, frappé par la maladie, puis la mort de leur petite fille. Dans sa deuxième partie, énigmatique à souhait, il nous plonge dans une sorte de cauchemar récurrent, symbolisant la difficulté du couple à se maintenir à flot face au deuil, qu'il s’agisse de se respecter l'un l'autre, ou même de s'entraider.
Évoquant forcément "Un jour sans fin", en version cauchemardesque, le récit s’emplit alors d’une violence en apparence gratuite, dont est victime le couple à chaque boucle opérée. Encerclés par la forêt (l’action se déroule dans une clairière oppressante où ils ont décidé de planter la tente), ils se retrouvent aux prises avec un groupe d’individus (le vieux au chapeau de paille, un homme imposant jouant les molosses et portant un chien blanc visiblement blessé, une femme armée, et leur autre chien…), avec pour point commun l’apparition étrange d’un chat blanc annonciateur. Et le mari de choisir à chaque fois une attitude différente, la scène se terminant par un plan aérien, en plongée, positionnant chacun des personnages à la manière d’une scène de théâtre.
De théâtre il est justement question dans la transition entre la partie dramatique et la partie horrifique, mais aussi avant la scène offrant un dénouement. Rideau rouge évoquant le rêve façon Lynch ("Twin Peaks", "Mulholland Drive"), théâtre d’ombres chinoises symbolisant des éléments de l’histoire, ces passages confrontent les personnages à leurs propres actions et semblent livrer quelques clés sur ce conte qui distille un réel malaise. Mêlant pulsions sexuelles, accès de violence, paranoïa grandissante, "Koko-di koko-da" explore l’impossibilité du deuil, tout comme la notion de culpabilité, au travers d’une forme qui laissera forcément quelques spectateurs au bord de la route, mais qui vaut la peine d’être explorée.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur