RAMBO : LAST BLOOD
C’est (vraiment ) pas ta guerre, John !
Retiré dans son ranch du Texas depuis une dizaine d’années, le vétéran John Rambo sort vite de sa retraite le jour où la fille d’un ami se fait enlever par un cartel mexicain…
Il y a quelque chose de profondément déprimant dans l’attitude actuelle de Sylvester Stallone. Cet acteur que l’on sait plus intelligent qu’il n’en a l’air, qui a déjà révélé sa puissance iconique dans des rôles habités, qui a souvent fait preuve de franchise et de lucidité sur ses erreurs passées (c’est dire si sa carrière est en dents de scie…), ne peut s’empêcher de replonger dans ses vieux démons dès lors qu’il est revenu au sommet. Il y a dix ans, les revivals de ces deux icônes favorites ("Rocky Balboa" et "John Rambo") ne s’étaient pas imposés par hasard comme les deux opus magnum de sa filmo : il y avait chez Stallone une soif de filmer encore active, une radicalité en rupture avec les canons hollywoodiens du moment, et surtout le désir rageur de faire revivre ses deux créations les plus marquantes pour leur offrir le plus beau chant du cygne qui soit. Le fait de jouer les prolongations était alors une énigme : pour Rocky, on a vu ce que ça a donné (un diptyque "Creed" aussitôt digéré aussitôt oublié), et sur Rambo, on ne voyait absolument pas l’utilité d’en rajouter – le final prométhéen de "John Rambo" avait valeur de point final. Mais bon, il faut s’y faire : retiré depuis une dizaine d’années dans son ranch du Texas, John Rambo va devoir encore faire la guerre – pas la sienne, oui, on sait – à un nouvel ennemi, en l’occurrence de vilains cartels mexicains qui ont osé kidnappé la nièce de sa belle-sœur. C’est tout ? C’est tout.
Jusqu’à présent, chaque épisode de "Rambo" – même le moins bon – avait une raison d’exister, liée à trois critères : un environnement spécifique replongeant Rambo dans un contexte guerrier, un postulat se déployant tel un mille-feuille sur un pur récit d’aventures, un protagoniste meurtri et torturé que la situation elle-même contraignait à reprendre les armes. Dès sa scène d’ouverture plus lâche tu meurs, où rien ne sonne vrai et devant laquelle on croit d’abord s’être trompé de film, "Rambo : Last Blood" se met à poil et dévoile ses attributs de série Z à deux pesos, tellement fauchée et déconnectée de la mythologie de Rambo qu’elle fait honte à la saga. D’autant que le résultat, torché par un yes-man à qui l’on devait déjà le tout naze "Kill the Gringo", n’a rien d’autre à offrir qu’une mise en scène au rabais, blindée de laideur visuelle et d’effets numériques abusifs. Où est passée la sécheresse des premiers films ? Où diable a été enterrée la maîtrise visuelle des cinéastes tantôt surdoués tantôt appliqués qui avaient jusque-là servi les périples de Rambo ? A vrai dire, ce film prouve une règle déjà validée par la saga "Die Hard" : le chiffre 5 peut autant porter la poisse qu’encourager à saloper en bonne et due forme un univers pourtant bâti sur des fondations solides. La seule diversion visiblement retenue par Stallone aura donc été celle qu’il a l’air de juger fondamentale pour les bouffeurs de pop-corn : le vigilante en mode gorasse, un peu comme un "Taken" qui se serait mis soudain à friser la classification NC-17. Mais là aussi, le pire est au rendez-vous.
Tel un Macaulay Culkin ultra-baraqué qui piégerait son territoire à la mode Jigsaw, le cocktail "Saw" + "Maman j’ai raté l’avion" qui donne au film sa dernière demi-heure la plus crétine nous reste en travers de la gorge. Égorgement à mains nues, testicules massacrées, épilation à la machette, nettoyage de lombaires à la feuille de boucher, transpercement sur pointes de fakir, crucifixion à coups de flèches, flinguages de papy texan… C’est ennuyeux, c’est incohérent, et on se tourne les pouces. Parce qu’il n’y a aucun enjeu digne de la saga auquel se raccrocher, et parce que Stallone joue moins John Rambo qu’un ersatz de Steven Seagal qui traînerait une mine déconfite pour se donner un aura de spleen monté sur burnes. On ne sera donc pas en désaccord avec David Morrell – créateur du roman Rambo – qui aura traité ce cinquième film de tous les noms, tout comme on n’en voudra pas à la critique US – pourtant peu subtile en général – d’avoir hurlé au manifeste barbare et xénophobe à en filer des palpitations à Donald Trump – le film est si vide de sens et d’intérêt qu’il n’y avait que cet angle-là à développer. Ce n’est pourtant pas pareil dérapage qui va pouvoir arrêter Stallone sur sa lancée : tout fier de lui, l’acteur annonçait tout récemment avoir une « idée géniale » pour un nouveau "Rocky". Il serait peut-être grand temps d’arrêter les conneries, non ?
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur