LA FAMEUSE INVASION DES OURS EN SICILE
Un conte pour enfants graphiquement sublime
Alors que la neige envahit les vallées, un saltimbanque et sa fille se réfugient dans une caverne. Ils réveillent par accident un ours et, pour l’amadouer, lui content l’histoire du roi des ours, parti avec d’autres dans le monde des humains pour récupérer son fils, enlevé…
Ce film d'animation italien, auquel l’acteur Toni Servillo ("La grande bellezza", "Il divo") prête sa voix dans la version originale, est un conte en deux parties, livrant deux versions complémentaires d'une histoire impliquant ours et humains. Avec en toile de fond, la possibilité ou non d'un vivre ensemble entre humains et animaux, cette adaptation du roman pour enfants illustré de l’italien Dino Buzzati, datant de 1945, mélange batailles et magie, animaux existants et créatures fantastiques, délivrant un mélange surprenant de candeur et de suspense.
Sur le fond, les ours auraient symboliser à l’époque les communistes, avec un idéal généreux face à des possédants comme le roi des hommes, mais l’histoire conté par de Gédéone et la petite fille (des ajouts par rapport au livre, tout comme le vieil ours dans la caverne), impliquant Léonce le roi des ours et Tonio son fils, dispose d’une portée bien plus universelle. Ici l’histoire se modifie selon les points de vue, et l’auteur y ajoute une mystérieuse variation inattendue sur la fin. Autour de la possibilité de partager ou non un même territoire, les ours évoluent comme des soldats, de manière ordonnée, dans un univers stylisé, influencé par le symbolisme et l’expressionnisme.
Au niveau graphique, le film est justement un véritable délice visuel, alliant une apparente simplicité des coloris à des formes géométriques stylisées, représentant les décors (la forêt, les vagues, les nuages...) comme certains mouvements (le défilé des soldats, les ours préparant des boules de neige...). Hormis la célébration dansée de certaines victoires, qui revêt un aspect enfantin presque décalé, le tout trempe dans une jolie poésie, au sein d'un récit convoquant intentions totalitaristes, avidité du pouvoir, trahisons et conflits. Ce premier long métrage de Lorenzo Mattotti, chef décorateur sur "Pinocchio" d’Enzo D’Alo et réalisateur d’un des segments de "Peur(s) du noir", ne manque ni de style, ni de panache.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur