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THE LIGHTHOUSE

Un film de Robert Eggers
 

Pour : Envoûtant

Deux hommes, un vieux briscard et un jeune mutique, arrivent dans un far très isolé. Ils sont en poste pour quatre semaines au milieu de la brume. Dans cette atmosphère humide, des évènements étranges commencent à se produire…

The lighthouse film image

L’auteur du très remarqué "The Vvitch" embarque Willem Dafoe et Robert Pattinson dans un huis-clos aussi envoûtant que progressivement angoissant. Dans un somptueux noir et blanc et un format carré qui renforcent l’enfermement des deux personnages face aux éléments et à l’exiguïté des lieux, comme l’aspect animal et usé de chacun, Robert Eggers décrit leur plongée progressive dans la folie.

Flirtant avec le fantastique, mélangeant rêves et réalité, s’alimentant aux légendes marines, jouant avec les décors comme avec la rare faune ambiante (la mystérieuse mouette qui vient frapper à la porte...), "Le phare" part de la notion de pouvoir pour mieux dénoncer l’ambition aveugle. Dans ce milieu terriblement masculin, les trouvailles visuelles comme sonores viennent renforcer la puissance de jeu d’un Willem Dafoe plus terrifiant que jamais et d’un Robert Pattinson qu’on n’attendait sans doute pas là, mais qui semble réellement habité.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

Robert Eggers était attendu au tournant après la claque qu’avait été "The VVitch". En effet, le film était venu ruer dans les brancard du genre en proposant non pas un énième slasher plein jusqu’à la lie de jump-scares dont seul la musique fait encore sursauter, mais une étude quasi-éthologique de la superstition dans la communauté quakers de la première ère des États-Unis.

Après avoir étudié le mythe de la sorcière dans l’imaginaire américain, Eggers s’attaque ici à une autre figure mythique, celle du phare isolé dans la brume et des récits de marins. Changement d’époque et de décors oblige, la forme s’adapte au fond. Le format carré du film isole les personnages en réduisant le cadre. Le noir et blanc vient souligner la brume et permettre un travail très poussé sur la lumière, qui peut aussi bien montrer que rendre aveugle, obsession principale du film.

Toujours dans cette idée mythologique, les personnages fonctionnent comme des types. Willem Dafoe est le vieux briscard. Un marin resté cloué à la terre qui observe la mer étendue à ses pieds. Un homme obsédé par la lumière qu’il doit garder, à laquelle il s’arroge un accès unique et privé. Un homme qui boit, chante et déclame des épopées poétiques incompréhensibles. Ce qui surprend le plus dans ce personnage, c’est son côté bureaucratique qui ne semble pas vraiment coller avec le type d’homme qu’il est sensé incarner. Ce personnage est assez décevant, car malgré un acteur en grande forme, il manque de corps et peine à exister. Il est d’un bloc, et donc un peu cliché.

Le personnage de Robert Pattinson souffre des mêmes défauts. L’acteur livre ici une très bonne performance, mais son personnage est tellement soumis que ses motivations importent peu et l’empathie du spectateur va plutôt à la mouette qui tombe entre ses mains qu’à lui. La deuxième partie de l’histoire n’apporte rien de nouveau. Sensée faire monter d’un cran la tension, elle n’a pas grand effet en raison d’un manque d’identification avec les personnages.

L’image du phare combine deux idées, celle de la lumière et celle de la mer. Si la première est très travaillée dans la mise en scène, la deuxième ne l’est pas du tout. En effet, la mer, pourtant au cœur géographique de l’histoire n’existe que de manière indirecte, avec les conséquences qu’elle a sur la vie des personnages : la brume, les inondations et l’isolement. Il ne manquait plus que les rhumatismes et le rhume. Sa mythologie n’est que vaguement explorée par une réflexion autour de la sirène, mais qui n’est qu’un travail assez pauvre sur le désir masculin.

Ainsi, "The Lighthouse" est un film assez décevant car trop hermétique pour être vivant et incarné. Un film trop théorique peut-être. Face à l’incompréhension de où veut en venir le réalisateur et ce qu’il entend construire, on peut facilement se retrouver contraint à regarder ce carré noir et blanc pendant deux heures et en ressortir parfaitement indifférent. Dommage donc, à trop vouloir bien faire et pousser la méthode d’une formule qui avait précédemment marché, on en perd l’incarnation, et par là même, tout ce qui faisait le sel d’un film comme "The VVitch".

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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