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LE FILS

Un film de Alexander Abaturov

Une posture, très particulière

Dima était un béret rouge. Dima était un Spetsnaz. Dima était le cousin du réalisateur. Mais Dima est mort au combat…

Le fils (2019) film image

Le documentariste Alexander Abaturov prend le parti de mettre en parallèle la vie des jeunes hommes qui présentent le concours d’entrée au Spetsnaz et le deuil d’une famille, la sienne qui plus est. La mise en parallèle constante de ces deux temps de la vie, l’effervescence et l’activité, toujours très ordonnée des jeunes militaires et le silence, les larmes, le recueillement un peu désordonné de la famille en deuil, les réunit mystérieusement autour d’un grand absent. En effet, les personnes qui sont filmées sont du côté de la famille du réalisateur, surtout les parents de son cousin disparu, qui avancent dans leur deuil un an après la disparition de leur fils, et d’autre part, côté soldats, sont des camarades du jeune homme, mais aussi des jeunes recrues.

Pouvoir filmer un commando à l’entraînement est une chose rare, surtout un tel commando d’élite. Pourtant le documentaire n’a rien d’un reportage. Le documentariste s’est mêlé à eux pendant de longs mois. Ce n’est pas l’activité ou la discipline militaire qui l’intéressait, mais au contraire l’existence individuelle des êtres qui se retrouvent dissous dans la masse. Le réalisateur cherche ainsi des visages, de l’individuation, des voix...

Le film témoigne aussi, avec un motif, ou plutôt une posture, très particulière, d’une étonnante progression. D’une part, il y a celle des jeunes recrues qui progressivement vont présenter l’examen d’entrée au Spetsnaz, avec les entraînements qui vont donner naissance à la cohésion de groupe, la « camaraderie » , et qui amènent doucement vers l’examen final. Et d’autre part, celle du deuil et de l’élaboration de la tombe du jeune homme, l’examen servant de point de jonction avec l’autre histoire.

Enfin, le film se finit sur une séquence dont il vaut mieux lire l’explication avant de la voir, sous peine d’être un peu surpris par ce geste cinématographique. Alexander Abaturov a voulu finir son film sur une série de portraits, face caméra, avec des hommes, silencieux ou bavards, qui regardent droit dans l’objectif. Tous ces hommes connaissaient personnellement la victime, dont on ignore cependant encore à la fin du film les causes de la mort. Le réalisateur entendait montrer par là que les hommes sont irréductibles. Même avec les même vêtements et obéissants à des consignes aliénantes qui les font rentrer dans la masse, un homme reste un homme, unique, avec ses yeux, sa voix et son rire. Ainsi, la statut de Dima, même s’il semble ressembler à tous, est bien celle d’un fils. Et c’est peut-être justement parce qu’une photo est si personnelle et unique, comme le film, qu’elle peut peut-être parler de tous les Dima du monde.

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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