Festival Que du feu 2024 encart

SIBYL

Un film de Justine Triet

Soit...

Sibyl est une ancienne alcoolique que son métier de psychanalyste tient éloignée de l’addiction. Alors qu’elle se libère de ses patients pour se consacrer à l’écriture de son nouveau roman, une nouvelle patiente, Magot, arrive dans sa vie…

Sibyl film image

On parle parfois de film de chef opérateur quand l’image est vraiment très soignée, que les cadres et les mouvements sont parfaits mais laissent le spectateur un peu sur sa faim en ce qui concerne l’histoire et la performance des acteurs. On pourrait dire de "Sibyl" que c’est un film de monteur. C’est d’ailleurs un peu ce que dit la réalisatrice elle-même quand elle explique dans le dossier de presse, qu’avec son monteur Laurent Sénéchal, ils ont décidés de casser pour réordonner, mais réordonner quoi exactement ?

Le film met sur le même plan différents moments du passé de Sibyl : sa relation douloureuse à sa mère partie trop tôt, sa relation houleuse avec son amant Gabriel, et son quotidien, passant brutalement de sa vie à une session avec un patient, des moments avec Margot, des temps d’écriture et des réunions des alcooliques anonymes.

Le problème est que ce montage épisodique, une sorte de patchwork, n’est pas clair. Les scènes ne s’influencent pas directement, ne reproduisent pas des motifs similaires. Elles ne continuent ou répètent pas de mouvements entamés dans la narration principale ou dans ce qui les a juste précédées. Il n’y a pas de raccord mouvement ou couleur ou même thématique. Ce montage émanerait alors de la simple association d’idées, de ce qui se passe dans l’esprit de Sibyl. C’est une justification un peu facile, et plutôt appauvrissante, mais pourquoi pas. Cependant, l’idée du patchwork aurait peut-être pue être mieux exploitée, à la façon d’un "Memento " pour travailler sur la construction de l’identité par rapport au passé, ce qui semble en effet être le thème principal du film.

Certains moments sont des tentatives de mise en scène, avec des effets qui pourraient être pertinents et même riches de sens, s’ils apportaient quelque chose à la narration. En effet, plusieurs fois, les scènes sont tournées à travers des miroirs. En témoigne la première scène de baiser entre Sibyl et Gabriel qui, intelligence de la mise en scène, nous dévoile le visage des acteurs simultanément. Mais le problème est que la mise à distance voulue par la scène et le point de vue que l’on est sensé adopter est celui de Sibyl, pas de Gabriel, or c’est son visage à lui qui apparaît dans le reflet, isolé et au centre de la composition. Cette bonne idée est une nouvelle fois mal exploitée dans une autre scène de soirée avec les deux amants.

Une autre idée de mise en scène, une fois que les protagonistes et l’action se sont libérés de l’enfermement parisien, est celle du tournage. Le tournage comme dispositif, par le combo, l’écran sur lequel le réalisateur observe la scène en train d’être tournée, est le lieu de l’apparaître et des doubles, du jeu. La mise à distance est facile, l’illusion aussi. En terme de mise en scène, Justine Triet a l’idée assez pertinente, alors que son personnage est en train de perdre pied, de filmer une scène à travers le combo. Mais l’idée tombe encore une fois un peu à plat.

Soit... Dans l’économie d’un récit et pour l’efficacité d’une narration, la question de la justification est primordiale. La réalisatrice l’évoque elle-même en expliquant qu’elle a choisi de maintenir certaines séquences « injustifiées » car elles nourrissaient le personnage. Le problème avec "Sibyl" est que le personnage est sans cesse nourri, mais son identité ne s’en trouve pas pour autant renforcée ou moins opaque pour le spectateur. A la fin du film, on n’en connaîtra pas beaucoup plus sur Sybil et elle n’aura pas beaucoup évolué. Dès lors, à quoi bon ? On ne peut que dire « Dommage ».

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

À LIRE ÉGALEMENT

Laisser un commentaire