ALICE T.

Auteur remarqué à Un certain regard à Cannes, où il a présenté "Mardi, après Noël" en 2010, puis "L’étage du dessous" en 2015, le réalisateur roumain Radu Muntean nous revient avec un film viscéral, centré sur la relation conflictuelle entre une adolescente et sa mère. Ingratitude, insouciance, irrespect, désir de vie et de liberté, sont autant de thématiques abordées au travers du personnage d'Alice, jeune femme qu'on pourrait décrire au premier abord comme menteuse et méprisante.

Mais au travers de ce mensonge « originel », c'est à la renaissance d'une complicité que Muntean nous invite, questionnant l'importance des liens familiaux, le désir de reconnaissance chez les ados, les rapports entre enfant adoptée et parent. Relevant d'une certaine cruauté, puisque la mère n'a jamais pu avoir elle-même d'enfant, cette situation interpellera chaque spectateur au plus profond. Le rapport de la fille à son propre enfant est aussi révélateur d'une génération sans perspective, fragile malgré ses rebellions, qui pense pouvoir tout avoir tout de suite, mais semble aussi avoir conscience d'être seul face à un monde bien rude.

Décrivant avec minutie et justesse l'évolution de la relation entre la mère et la fille, tout en plaçant toujours le spectateur du côté de l'intimité cette dernière, Radu Muntean réussit un portrait d'adolescente déstabilisant et fort. Andra Guţi, récompensée par le prix d'interprétation féminine au Festival de Locarno 2018 pour ce film, est une véritable révélation en jeune femme frondeuse et indépendante, inconsciente de ses responsabilités. Sa prestation vaut à elle seule le détour.