L'INCROYABLE AVENTURE DE BELLA
Un film aux abois
Bien que son maître, Lucas, l’ai placée dans une famille pour la protéger de la fourrière, Bella, une chienne toute gentille et particulièrement attachée à son propriétaire, va tout faire pour le retrouver, quitte à parcourir toute l’Amérique s’il le faut…
Charles Martin Smith, qui nous avait déjà livré les deux opus consacrés à "Winter le dauphin", braque sa caméra cette fois sur un autre animal : le meilleur ami de l’Homme. Si cette histoire d’une chienne qui affronte vents et marées pour retrouver son maître aurait pu être sympathique et touchante, comme ont pu le démontrer par le passé des films comme "Hatchi" ou encore "L’incroyable voyage", cette fois ci l’essai est bien moins convaincant. Le défaut principal du film repose sur l’écriture, qui arrive à passer sur les deux aspects qu’on attend traditionnellement dans ce genre de film, à savoir un aspect Feel Good Movie, et un aspect aventure et introspection à travers le côté Road Movie.
Si l’on commence par le côté « Feel Good », le film, à force de trop vouloir en faire, bascule en permanence dans la niaiserie, à de trop nombreuse reprises, que ce soit par ses personnages, tous plus caricaturaux les uns que les autres (avec une mention particulière à Jonah Hauer-King qui interprète Lucas, grosse tête à claque du film) ou par les dialogues, souvent affligeants et peu profonds, d’autant plus que la traduction et le doublage français sont parmi les pires entendus ces derniers temps et n’améliorent donc pas la chose. Pire encore, concernant les dialogues, ils ne servent souvent à rien et ne font que décrire l’action se déroulant sous les yeux du spectateur. On est donc dans une parlotte constante, peu intéressante, voire assez agaçante par moment. Ajoutons à cela des personnages sans réelle profondeur et qui ne sont là que pour remplir une fonction et non pour être de vais personnages, et on obtient une écriture beaucoup trop lisse et superficielle pour marquer réellement le spectateur. Le film a raté son juste dosage de bons sentiments et baigne par conséquent dans une niaiserie bien dommageable.
Et malheureusement le côté Road Movie ne rattrape pas suffisamment le film. On se contente souvent d’enchaîner les péripéties et les rencontres, mais peu de leçons sont tirées de l’aventure que vit Bella, le métrage se contenant la plupart du temps d’une morale assez bas niveau du type « on est quand même mieux chez soi ». Reste quand même, ici et là, quelques moments plus intéressants que d’autres, notamment dans la seconde moitié de son périple, portant un regard sur la société actuelle sous le prisme de Bella. Il s’agit notamment de toute l’interaction avec Axel, l’ancien militaire se retrouvant à la rue, seul, qui pour le coup, porte à réfléchir. Mais ces moments sont assez vite survolés et, si l’on s’attarde tout de même suffisamment sur eux, la transition vers les péripéties suivantes est trop rapide et brutale pour marquer durablement le spectateur. De plus, souvent ces moments n’auront pas de réelle répercussion sur Bella elle-même, et donc, par extension, sur le spectateur (le récit tout entier étant conté du point de vue exclusif de la chienne).
Ceci dit, la réalisation est plutôt de bonne facture, il faut bien l’admettre. Les paysages et les décors sont magnifiquement bien mis en valeur. Les plans sont souvent dynamiques, évitant le simple « champs contre-champs ». Et le rythme global est plutôt bien géré, le film n’hésitant pas à prendre son temps lorsqu’il l’estime nécessaire, une qualité qui se fait de plus en plus rare ces dernières années, notamment pour un film durant 1h30 « seulement ». Concernant le jeu, toutes espèces confondues, si les acteurs sont souvent dans un léger surjeu constant (renforçant le côté téléfilm du long métrage), le dressage des animaux est cependant bluffant et on n’arrête pas de se demander comment ils ont réussi à faire faire telle ou telle chose aux animaux à l’écran. Un point à mettre d’autant plus en avant, du fait que souvent, Charles Martin Smith, préfère filmer de vrais animaux plutôt que d’avoir recours à des trucages.
Et cela apparaît d’autant plus sage lorsque l’on voit le ratage complet des animaux en images de synthèse. Plus que leur rendu, c’est surtout leur incrustation dans le décor et, par-dessus tout, leur animation, beaucoup trop fluide et lisse, qui nous dévient du chemin de la maison de Bella pour nous emmener avec un allez simple vers la « Vallée Dérangeante », en nous extirpant donc du film régulièrement. Au final, "L’incroyable aventure de Bella" aurait pu être un sympathique Feel Good Road Movie, mais son écriture trop artificielle et caricaturale, le surjeu des acteurs, et le ratage complet des effets spéciaux, en font un coup manqué, malheureusement pas rattrapé par les quelques trop rares moments de bravoure. Reste que ce film peut plaire à certains, et notamment aux tout petits, notamment de par son histoire de base.
Ray LamajEnvoyer un message au rédacteur