US
Une lutte contre l’ennemi intime
Gabe et Adelaïde Wilson se rendent avec leurs deux enfants dans leur maison de vacances pour passer du temps avec leurs amis, les Tyler. Mais leur séjour tranquille devient cauchemardesque quand ils sont attaqués par nul autre qu’eux-mêmes…
Deux ans après le succès critique et commercial de "Get Out", Jordan Peele nous revient avec "Us", nouvelle proposition dans le monde des films d’angoisse. Car plus que d’horreur pure, c’est bien d’angoisse que se pare le film. Ne vous attendez donc pas à sursauter toutes les deux minutes au fil de jump scares, "Us" est plus un film où l’ambiance nous prend aux tripes et ne nous lâche pas, charriant tout au long du film une sensation d’inquiétante étrangeté.
Jordan Peele nous concocte donc cette ambiance à travers l’histoire d’une famille en vacances qui se fait attaquer par ses doubles. Une idée simple mais géniale, puisque là où dans la plupart des films d’horreur, la menace représente une peur des personnages principaux qu’ils doivent affronter, ici Jordan Peele l’incarne telle quelle à l’écran, par une version autre, des personnages eux-mêmes.
Tout l’intérêt du film va donc se trouver dans cette dualité permanente entre les héros et leurs doubles et ce jusque dans la mise en scène. En effet tout est fait pour rappeler la dichotomie, que ce soit depuis l’utilisation des ombres - comme dans ce plan zénithal (visible dans la bande annonce) où les Wilsons arrivent sur la plage et où on dictingue leurs immenses ombres sur le sol - , dans l’utilisation (plus classique) de miroirs ou dans celle d’une paire de ciseaux comme arme, ou encore dans la coiffure de Lupita Nyong’o, qui arbore des… sisterlocks.
En revanche, si cette métaphore de lutte intérieure marche particulièrement bien dans la mise en scène et l’écriture, le scénario a pour principal défaut de trop servir celle-ci et de ne pas être cohérent en lui-même, notamment quant à l’explication intradiégétique de l’origine de ces doubles. Une explication qui s’avère très floue et très mal amenée, à la fois par une ligne de dialogue complètement hors sujet dans une conversation en tout début de film, avant d’être remise en avant à la fin, lors d’un très mauvais set up/pay off. Ceci peut poser un problème quant à l’appréciation du film, qui demande donc au spectateur de faire abstraction de cette histoire qui sert plus de prétexte aux thématiques abordées que de véritable univers cohérent.
Si l’on revient à la mise en scène, il n’y a pas vraiment de reproche à faire. Il y a donc cette dualité déjà abordée plus haut avec notamment, pour citer un exemple de plus, une utilisation d’une demi-bonnette, lentille qui sert à faire le point à deux distances différentes, pour montrer à quel point Adelaïde Wilson et son double Red sont à la fois très proches et complètement opposées. Mais même si l’on ne regarde que les mécaniques d’horreur et de l’angoisse pur (certes peu innovantes), en faisant abstraction de toute analyse filmique, "Us" se montre particulièrement efficace et le stress monte rapidement dans les moments nécessaires.
Enfin, concernant le jeu d’acteur, tous sont bluffants, notamment lorsqu’il s’agit de jouer les doubles dont ils arrivent à rendre parfaitement crédible les mouvements très étranges, augmentant ainsi l’inquiétude du spectateur, ou encore le langage (ou plutôt le non langage) très particulier qui intègre pas mal de grognements par exemple (qui sont d’ailleurs eux aussi utilisés dans cette métaphore de lutte contre ses propres démons).
Pour conclure, "Us" est plutôt un bon film d’angoisse, si l’on arrive à passer outre un scénario prétexte qui sert une mise en scène et un propos extrêmement intéressant si l’on l’analyse correctement.
Ray LamajEnvoyer un message au rédacteur