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« PEU M’IMPORTE SI L’HISTOIRE NOUS CONSIDÈRE COMME DES BARBARES »

Un film de Radu Jude

Un antisémitisme global qui fait froid dans le dos

Une metteuse en scène roumaine décide de revenir sur les exactions du président Ion Antonescu, aujourd’hui considéré comme un héro national dans son pays. S’appuyant sur des textes d’historiens et des adeptes de la reconstitution de batailles historiques, elle tente de mettre en scène un épisode très sombre de sa présidence : l’exécution et l’envoi dans les camps de la mort de plusieurs milliers de juifs pendant la deuxième guerre mondiale. Elle tente, car la censure n’est pas loin…

Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares film image

"Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares" est une mise en abîme. Dès les premiers moments du films, le quatrième mur est brisé, l’actrice, Ioana Iacob, se présente comme une actrice jouant une metteuse en scène. Elle s’adresse à la caméra et l’équipe technique est apparente. Ils évoluent tous au milieu du musée de la guerre d’Odessa, plein à craqué d’équipements, d’armes et d’uniformes, mais aussi de chars et d’autres pièces d’artillerie militaire. C’est au cœur de ces éléments du passé que va se construire la mise en scène, celle du film et celle de l’œuvre.

Ce film n’est pas un documentaire, ou alors un documentaire fiction sur une metteuse en scène qui tente de mettre au jour une vérité que son pays ne veut pas voir. L’histoire est écrite par les vainqueurs et cette version est maintenue par les censeurs. Le film met d’ailleurs en scène un censeur dans deux scènes terriblement efficaces. La mise en scène n’est pas poignante, mais la camera à l’épaule vient saisir des moments d’une intimité étrange entre le représentant de l’État conservateur, un homme séduisant et cultivé, intelligent, et la metteuse en scène, plus jeune, plus combative, plus idéaliste peut-être. Cet homme est dégoûtant car il se sert de toute sa culture et des circonvolutions du langage pour la piéger et pour maintenir les gens dans l’ignorance. Les menaces voilées sont constantes et un rapport de domination sexiste voit discrètement le jour. Tout cela par le jeu du dialogue, un dialogue qui semble innocent, presque badin, et pourtant.

L’autre force du film, par sa structure même, est le rôle du spectateur. Comme le film se présente comme un documentaire sur une pièce de théâtre, il est impossible de savoir si le public présent lors de la représentation, ou si les acteurs, sont des professionnels, ou non. Il est également impossible de savoir si leurs réactions sont écrites et mises en scène ou non. De cette confusion naît un élément étrange et très désagréable. Le spectateur du film, du côté de la metteuse en scène, voit cette foule être antisémite, violente, huer quand les juifs entrent en scène, crier de joie quand ils sont brûlés ou pendus.

"Peu m’importe si l’Histoire nous considère comme des barbares" est un film important qui réfléchit sur une certaine Europe, un peu trop oublieuse de son Histoire et de son passé. Une Europe qui se cherche des héros à tout prix, faisant fit de la véracité historique, et bordant ainsi le lit de l’antisémitisme dont l’actualité rappelle quotidienne la violence.

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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