LA GRANDE AVENTURE LEGO 2
Vers l’infini et l’au-delà !
Après avoir subi l’attaque des Duplos, Lucy, Batman et les autres héros qui avaient défait Lord Business sont enlevés. Ne reste plus qu’Emett qui va partir à leur secours et éviter l’Armamangedon…
Pour ceux qui l’ignoreraient, Lego est une marque de jouet danoise crée en 1932. Depuis 2014 c’est également devenu une saga cinématographique qui compte aujourd’hui quatre films d’animation. On ne s’étonnera donc pas de constater que c’est également à cette date que le groupe Lego est devenu officiellement numéro un mondial des entreprises de jouet. Car oui, le cinéma c’est du business et ça peut rapporter très gros. Est-il honteux d’utiliser ce médium pour vendre des jouets ? Beaucoup le pensent, c’est même l’un des plus grand reproche qui a été fait à Georges Lucas à la sortie du "Retour du Jedi". Mais l’on oublie que ce système massif de merchandising de produits dérivés à destination des enfants avait pour ambition première de lui permettre d’acquérir une autonomie artistique vis-à-vis de studios qui ne le respectaient pas et avec qui il a été obligé de créer un véritable rapport de force pour imposer ses visions géniales. Même si le groupe Lego ne s’est pas lancé dans le cinéma avec le même état d’esprit que Lucas lorsqu’il débutait sa carrière, on se gardera donc bien de lui faire des leçons de morales. Seul le résultat compte, et nous pouvons le dire clairement il est très bon. Pleines d’audace, de fantaisie et d’énergie, ces différentes histoires à la croisée de "Toy Story" et "Transformers" parviennent toujours à tirer parti de manière intelligente du concept des « briques » modulables.
Si ce nouvel épisode est moins réussi que le premier et celui consacré à Batman, il reste largement à la hauteur de la situation. Le travail d’animation du monde Lego est toujours aussi impressionnant et l’action toujours aussi épique et flamboyante. Cette richesse visuelle est digne des meilleurs Pixar, mais l’on pourra toutefois reprocher à ce film, comme à ses prédécesseurs un rythme un peu trop soutenu. L’écriture est elle aussi fidèle à ce que l’on connaissait jusque-là, avec l’humour très décalé d’un film à l’esprit parodique qui ne cesse de se regarder lui-même et de se moquer de lui-même. Même si ce type d’humour, dont on connaît les codes par cœur devient fatalement de moins en moins surprenant. On assiste donc à un nouveau déferlement de références à la pop culture: "Le Seigneur des anneaux", "Matrix", "Die Hard", "Beetlejuice", "Bill and Ted’s Excellent Adventures", "Jurassic World", "La Machine à explorer le temps"… À l’instar d’un "Ready Player One", un réel effort est fait pour les intégrer au récit et ne pas se contenter d’en faire une simple succession de citations. Ainsi la porte stellaire de "2001, l’odyssée de l’espace" permet ici de passer d’un monde à un autre et l’expérience du « retour vers le futur » a lui aussi une importance clé dans l’intrigue. Pour sa part la première partie du film, qui est la plus réussie, met en place un environnement post-apocalyptique complètement imprégné de l’imagerie de "Mad Max Fury Road", et dont la décrépitude est symbolisée par une Statue de la Liberté renversée qui évoque la fin de la "Planète des singes" (version 1968).
Toute l’histoire du film repose sur l’opposition entre un monde adulte, sombre, dur et un monde enfantin, gentillet et naïf. Cela rappelle l’opposition entre les univers de Nintendo et Playstation, en permettant à Lego de bien montrer que sa marque peut rencontrer tous les publics. On sent surtout venir de loin le message sociétal inévitable qui consiste à plébisciter les valeurs féminines (incarnées par le personnage de Lucy) de dialogue, d’émotion et de tolérance face aux valeurs masculines (incarnées par une sorte de Snake Plissken moderne) d’affrontement, de virilité et de testostérone. Cette vision très binaire va malheureusement gâcher complètement la fin de l’histoire. En effet, et sans révéler de secret, le film va littéralement refuser de se terminer sur une note négative et l’héroïne va décider d’elle-même que le happy-end est inévitable. On sombre alors dans une mièvrerie assumée, l’imposition du triomphe d’un monde de bisounours qui n’a pas lieu d’être dans ce contexte. Un prisme idéologique post-Weinstein qui gâche quelque peu cette seconde aventure Lego, après avoir eu le même effet sur "Les Indestructibles 2". Le problème n’étant pas tellement la vision présentée, qui est légitime en soit, mais la façon dont elle est surlignée sans finesse.
Pour finir on ne pourra pas s’empêcher de dire un mot sur le « phénomène » "Deadpool" qui se manifeste à nouveau ici. Après avoir totalement pris le pouvoir à Hollywood grâce à leur franchises ultra lucratives, les grands studios américains comme Warner Bros et Marvel, ont prit conscience des critiques formulées depuis des années à l’égard de leurs formules toutes prêtes. De ce fait ils ont entrepris de produire de leur propre initiative des films peu corrosifs leur permettant de se critiquer eux-mêmes afin d’éviter que d’autres ne s’en chargent. Ils anticipent ainsi les inévitables velléités de rébellion en limitant l’arrivée de parodies venues de l’extérieur qui seraient forcément beaucoup plus féroces à leur encontre. C’est le cas de l’emblématique "Deadpool", qui dissimule sous un vernis faussement subversif une histoire de héros à la structure parfaitement classique. Ainsi l’opposition est tolérée dès lors qu’elle est gardée sous contrôle. Cela permet accessoirement de s’approprier des recettes qui de toutes façons ne manqueraient pas d’être générées de la part de leur contempteurs. La saga Lego est donc un nouvel exemple de cette démarche, ce qui ne l’empêche pas d’être formidable.
David ChappatEnvoyer un message au rédacteurAprès le très grand succès de "La Grande Aventure Lego", réalisé par Chris Miller et Phil Lord en 2014, il est peu surprenant de voir débarquer sur nos écrans aujourd’hui une suite, réalisée cette fois-ci par Mike Mitchell et Trisha Gum.
Le film est une suite directe du précédent opus, autant d’un point de vue purement narratif (le film démarre au moment où le premier se terminait) et dans l’esprit, Chris Miller et Phil Lord étant toujours à l’écriture. On retrouve donc tout ce qui fait leur succès, à savoir un humour très méta avec beaucoup de références et de parodies en réutilisant des gimmicks bien connue des cinéphiles (et parfois même en s’auto-parodiant, notamment en reprenant la chanson « Tout est super génial » qui est transformée plusieurs fois au fil du film). On pourra toujours débattre sur la puissance de cet humour qui peut en froisser certains, qui ne manqueront pas d’accuser le film de faire des références pour les références, reste que dans l’ensemble, le film s’avère très drôle et que les blagues marchent bien.
D’autant plus que, là où on craignait un peu un manque de pertinence dans le propos du film et où on ne s’attendait qu’à une simple nouvelle histoire, le duo Miller et Lord nous surprend agréablement en nous livrant un récit, qui certes se repose beaucoup sur de la référence dans ses péripéties, mais qui dans sa globalité nous livre des messages tout aussi pertinents que dans le premier et qui aborde des thématiques intelligemment, notamment celle de l’identité.
Concernant la mise en scène, celle-ci est proche du premier. Le film est donc en images de synthèse, mais le rendu des textures est tout bonnement incroyable, avec des effets de reflets impressionnants de réalisme, nous faisant vraiment croire à certains moments d’être en face de vrais briques de Lego. Le découpage est lui plus fluide que le premier, renonçant au mouvement saccadé vu dans le premier film qui, bien que créant un parallélisme avec les films en stop-motion Lego ayant pullulé sur internet, pouvait rendre l’image difficile à lire par moment.
Le doublage est lui excellent, les acteurs ayant tous fait un incroyable travail, notamment Chris Pratt quant à la révélation finale. Le seul bémol réside peut-être dans les passages en prise de vues réelles, où les acteurs ne sont pas très bons, en particulier la mère des enfants qui gâche une excellente blague par son jeu faux. Cela dit, ces séquences restent suffisamment rares pour ne pas gâcher plus que ça le film. En somme, "La Grande Aventure Lego 2" est une très bonne suite qui arrive à rester pertinente, le tout en nous faisant passer un excellent moment, qu’on soit petit ou qu’on soit grand.
Ray LamajEnvoyer un message au rédacteur