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SAN SEBASTIAN 2011 - Les femmes en force

Trois femmes sont venues illuminer le début de Festival de San Sebastián (Donostia) au pays Basque. Trois actrices, pour deux d'entre elles devenues réalisatrices : l'américaine Glenn Close, la canadienne Sarah Polley et la française Julie Delpy. Trois femmes, entre drame et comédie, entre souvenirs et modernité.

GLENN CLOSE
Un rôle d'homme

Elle aura mis 15 ans à faire produire sous forme de film, « Albert Nobbs » (en salles le 22 février 2012), adaptation d'une pièce qu'elle avait joué off-Broadway en 1982. Glenn Close s'est ainsi offert un rôle en or, qui pourrait lui valoir une nouvelle nomination à l'Oscar de la meilleure actrice, pour cette composition d'une femme se faisant passer pour un homme, dans le Dublin du XIXe siècle. C'est Rodrigo Garcia, réalisateur de « Mother and child » que l'on retrouve derrière la caméra, pour un portrait de femme volontairement ancrée dans une certaine clandestinité, pour assurer sa survie, en des temps où misère et chômage étaient omniprésents.

Son personnage, Albert, servant dans un petit hôtel où il est lui-même logé, accumule méticuleusement le moindre penny, qu'il cache sous une latte de son plancher. Il rêve d'un foyer au sens propre comme au figuré, d'une (autre) femme qui s’assiérait au coin d'un feu rassurant. Mais tout cela n'est pour lui qu'une image, car Albert n'a pas la moindre notion de ce que peut-être la sexualité, il cherche juste une solution pratique à son problème : trouver une employée pour son futur Tabac, sans attirer l'attention et en conservant la respectabilité qu'attire le genre masculin.

Glenn Close délivre dans cet improbable rôle une prestation toute en retenue, emprunte d'une naïveté désarmante. Avec une voix roque et un visage fermé, elle donne corps à cet homme rigide et craintif, guidé en permanence par la peur d'être découvert et les barrières qu'il a créées avec le monde qui l'entoure. L'actrice, qui admet qu'à partir de 35 ans, il est très dur pour une femme de trouver un rôle intéressant, ne nie pas qu'il vaut mieux tenter s'en créer soi-même. Elle était la grande invitée du Festival de San Sebastián 2011, au cours duquel elle a reçu le Prix Donostia pour l'ensemble de sa carrière.

SARAH POLLEY
Jeunesse canadienne

Sarah Polley a fait le déplacement jusqu'au Pays Basque pour présenter son second film en tant que réalisatrice, après le magistral « Loin d'elle » avec Julie Christie. Avec « Take this waltz » elle signe une comédie dramatique sur l'usure du couple, la tentation de l'adultère, les petites choses qui font la complicité de tous les jours, et l'insatiable besoin de remplir un vide, dès qu'il apparaît. Symptôme de nos vies occidentales contemporaines, ce vide existentiel qui fait souvent que les relations ne durent qu'un temps, est selon la réalisatrice le nœud de son histoire, le moteur même de son personnage principal. Interprétée par Michelle Williams, entre fragilité, dépendance affective et irrépressible désir d'envol, Margot est une jeune femme qui vit à Toronto, avec son mari, et découvre à quelques maisons de là, un voisin aussi séduisant qu'amusant, et donc potentiellement dangereux.

De leur rencontre et leur jeu de séduction, la réalisatrice fera le cœur des trois quarts de son film, contant les élans réprimés, les frustrations. Romantique, son scénario l'est sans contestation possible, mais il apparaît aussi profondément désabusé. La scène charnière du film, caméra tournoyante autour du point central d'un loft, laisse entrevoir en quelques plans toutes les étapes de la vie d'un couple, du contact charnel tant espéré jusqu'à la routine, désespérante de banalité. Sur fond musical de la chanson titre, signée Leonard Cohen, la réalisatrice résume en quelques images cette peur du vide qui revient progressivement. Sarah Polley sait comme personne capter les détails qui font la complicité des couples. Ainsi, gamineries parfaitement assumées, jeux idiots qui sont autant de preuves d'affection, sont au cœur du cinéma intimiste de cette talentueuse directrice d'acteurs canadienne.

JULIE DELPY
Souvenirs d'une famille française

Elle avait créé la surprise dans la section Panorama du Festival de Berlin 2007 avec « 2 Days in Paris » en présentant sa vision d'un couple franco-américain, en visite à Paris. La voici qui récidive avec une réunion de famille bien française, pour « Le skylab » (sortie le 05 octobre), son quatrième film en tant que réalisatrice. Une comédie réjouissante, un rien politique, qui a enflammé le festival de San Sebastián. Julie Delpy, qui s'est donné l'un des premiers rôles de ce film choral au casting impressionnant (Bernadette Lafont, Karin Viard, Éric Elmosnino, Aure Atika, Emmanuelle Riva, Sophie Quinton, Valérie Bonneton, Albert Delpy...) y a d'évidence mis de ses souvenirs, de ses coups de gueule et de son amour pour sa propre famille.

Elle situe son récit-souvenir en Bretagne, en 1979, quelques années après 68, mais aussi à la veille d'une possible arrivée de la gauche au pouvoir, espoir pour les uns, menace pour les autres, comme ce satellite Skylab qui menace de tomber à tout moment. L'une des réussites du long métrage est de savoir traiter autant les histoires des grandes personnes, entre frustrations sexuelles ou guerrières et visions divergentes de l'éducation, et celles de tout un groupe d'enfants. Tout cela sonne délicieusement juste, des relations avec les deux grand-mères aux délires du grand oncle devenu sénile, de la joie des retrouvailles bretonnes au repas où les choses déraillent la discussion dérivant sur le terrain politique, en passant par l'attitude des ados qui aiment à poser devant les filles ou faire peur aux plus petits. On en redemande.

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Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur