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Berlin 2010 - Bilan - De flocons en étoiles : les acteurs
Pendant 11 jours l’invité surprise du Festival de Berlin 2010, qui fêtait cette année ses 60 ans, fut la neige, tombant presque chaque de manière intermittente La Potzdamer Platz s’était parée de ses couleurs rouges (tapis, chapiteaux…) et des équipes étaient chargées de dégager les trottoirs pour permettre aux festivaliers de circuler. Malgré le froid, les stars ont bel et bien été au rendez-vous de cette édition anniversaire, offrant au festival son lot de première de prestige. De Leornardo Di Caprio à Ben Stiller, de Kate Winslet à Julianne Moore, les américains n’ont pas manqué ce rendez-vous. Bilan d’un festival où chacune des section a tenté de rivaliser en intérêt et originalité, et qui a finalement couronné le charmant film « Miel » (« Bal« ).
Pour son 60ème anniversaire, le Festival de Berlin avait comme toujours, vu les choses en grand, avec près de 150 films présentés sur à peine 11 jours, et surtout une multitude de stars venues défendre leurs films. Mais c'était sans compter sur un invité de charme, rendant certes l'organisation plus difficile: la neige. C'est ainsi que les festivaliers ont pu assister presque chaque jour, au ballet des sableuses et au défilé des ouvriers, marteaux-piqueurs à la main, fracassant la glace accumulée sur les trottoirs. Aperçu des principales étoiles venues arpenter un tapis rouge maculé de blanc, que même des tempêtes de flocons cotonneux n'auraient pu cependant empêcher de briller. Les hommes ensuite...
Ewan Mc Greggor et Pierce Brosnan
Confrontation au sommet
L'ombre de Roman Polanski, récompensé d'un Ours d'argent du meilleur réalisateur, planait sur Berlin cette année, grâce à la présentation de "The ghost writer", œuvre orageuse passionnante à l'humour noir très british, mettant en scène un homme politique, Pierce Brosnan, au début d'une déchéance annoncée puisqu'il est accusé de crime contre l'humanité, et le nègre chargé d'écrire ses mémoires, Ewan McGreggor. Un scénario pourtant issu d'un roman, qui entre aujourd'hui en une étrange résonance avec l'actualité et les mises en cause de Tony Blair concernant la guerre en Irak.
Ewan McGreggor se révèle ici aussi curieux que naïf, développant un ultime instinct de survie alors qu'il se sent traqué, tout comme il fait preuve d'un téméraire esprit frondeur vis à vis de tous les gens potentiellement dangereux qui l'entourent. Face à lui, Pierce Brosnan, colérique et posé, incarne un homme politique calculateur et charismatique, dont on se demandera jusqu'au bout quel est le véritable rôle. Deux acteurs efficaces pris dans une implacable tempête, au sens propre comme au figuré.
Leonardo Di Caprio et Ben Kingsley
Deux facettes d'une orageuse paranoïa
Dans une pénétrante humidité ambiante, qui imprègne la pellicule, Leonardo Di Caprio met tout son impressionnant physique et sa fougueuse jeunesse dans une enquête au sein d'un hôpital psychiatrique situé sur "Shutter Island", île sur laquelle la nature se déchaîne à intervalles réguliers, menaçant le justicier et son collègue. En liant les rouages d'une affaire pas nette, à des expérimentations d'un directeur nazi sur ses malades, Martin Scorsese convoque ici des démons universels et absolus. Face à un Di Caprio aussi traumatisé que paranoïaque, Ben Kingsley ("Gandhi"), rigide et énigmatique, joue les gérants peu coopératifs. Quand deux acteurs au sommet, vous donnent quelques frissons.
Ben Stiller
Être attentif aux autres
Il nous a habitués à des comédies pour ados ou adultes, comme "Mary à tout prix", ou à visée familiale, comme "Une nuit au musée", dans lesquelles il pouvait librement se laisser aller ses élans facétieux. Voici que Ben Stiller se tourne aujourd'hui vers des rôles plus sérieux, et forcément plus personnels, interprétant ici "Greenberg", quarantenaire récemment sorti de dépression, mais toujours très maladroit dans ses relations avec les autres. L'acteur a maigri de 8kg pour le rôle, et, bien mal fagoté, s'engouffre dans la thématique du vieillissement auquel l'homme ne peut pour une fois rien faire. De quoi alimenter une semi-comédie grinçante (en salles le 28 avril), traitant de la nécessité de réfléchir à son attitude envers les autres, en étant ni trop renfermé, ni trop peu attentif.
James Franco
Les tourments de la création
Année poétique à 100% pour James Franco, venu à Berlin présenter deux courts métrages issus de poèmes tourmentés, "Herbert White" et "The feast of Stephen", tout comme accompagner le long métrage "Howl", du nom d'une œuvre à scandale signée Allen Ginsberg, poète homosexuel des années 50. Un film kaléidoscope, qui évoque en 4 récits parallèles (une lecture publique, une interview, un procès, une vision animée) la création, offrant au passage un plaidoyer pour la franchise envers soi-même et les autres. Si les auteurs, issus du documentaire, en profitent au passage pour évoquer une ville tentaculaire, un système en opposition à la liberté d'expression, ce n'est que pour le plaisir d'un spectateur conquis, qui vibre à l'unisson de cet homme enfin libre, incarné par un James Franco désarmant de naturel introverti.
Riccardo Scarmacio
La relève italienne
Doublé par son propre frère dans la révélation de son homosexualité à sa famille, le personnage interprété par Riccardo Scarmacio dans "Loose cannons" se retrouve coincé auprès des siens, peu enclins à pouvoir encaisser un second choc. Le bellâtre italien de 30 ans, aux cheveux noirs frisés et foisonnants, dégage ici une fraîcheur attendrissante, dans une comédie enlevée et rythmée, où complicités et divisions se font jour. Un rôle central dans un film au traitement résolument léger, mais dont le message sur la recherche du bonheur et le fait de savoir garder avec soi des bribes de ceux qu'on a, ou qui nous ont quitté, résonne longtemps dans le cœur de ceux qui ont assisté à la projection.
Eduardo Noriega
Redonner sens au quotidien
Surtout connu pour ses rôles dans de marquants thrillers, souvent introspectifs ("Novo", "La méthode", "Ouvre les yeux"), le séduisant acteur espagnol Eduardo Noriega vit un véritable enfer en tant que médecin spécialisé dans le traitement de la douleur, qui après s'être fait tirer dessus par l'amant d'une de ses patientes, se découvre d'étranges pouvoirs. Tout en suggestion, "El mal ajeno" séduit par son ambiance pesante, entre malades en phase terminale et couple en perdition, et sa capacité à tirer de cela une certaine forme d'humour, pas très délicat mais efficace (voir les pratiques médicales intimes en famille, les piercing infectés, les jambes artificielles avec lesquelles on peut à nouveau écraser sa cigarette...), permettant d'aborder souffrance et maladie de manière frontale et pour ainsi dire, non aseptisée. Un rôle intérieur pour Noriega, dans un film émouvant, flirtant avec le fantastique, et stigmatisant les médecins insensibles et distants.
Nota : Article rédigé également pour Tendances Magazine
Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur