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INTERVIEW

PARIS

Cédric Klapisch

Journaliste :
Vous êtes vous concertés pour créer un personnage complètement différent de celui qu’on connaît ?

Cédric Klapisch :
Après les Poupées Russes, Romain m’avait dit, « j’espère qu’on sera capable de travailler encore sur autre chose que le personnage…

© Mars Distribution

Journaliste :
Vous êtes vous concertés pour créer un personnage complètement différent de celui qu’on connaît ?

Cédric Klapisch :
Après les Poupées Russes, Romain m’avait dit, « j’espère qu’on sera capable de travailler encore sur autre chose que le personnage de Xavier » et donc moi ça m’avait fait gambergé quand il m’avait dit ça et ça m’a fait surtout réfléchir sur le fait que si on retravaillait ensemble, il fallait forcément sortir de ce qu’on avait créé ensemble sur les deux précédents films, même si auparavant, sur « Le péril jeune », c’était un personnage différent. Il y avait nécessité d’en sortir parce que le fait d’avoir enchaîné deux films, forcément il y avait quelque chose de construit. Assez rapidement, j’ai eu cette idée de Pierre pour pleins de raisons, intimes, personnelles et je lui ai demandé si ça le gênait de jouer un personnage comme ça. Il a répondu assez rapidement que ça l’intéressait justement d’aller voir des choses qu’il n’avait jamais faites, qu’on n'avait jamais jouées ensemble et donc c’est parti là-dessus. Ensuite je me suis mis à écrire le scénario quand on est parti en vacances ensemble.

Romain Duris :
C’était assez dingue parce qu’on était seuls dans un paysage assez idyllique et il était à sa table de travail avec sa chaise alors qu’il n’y avait pas de raison d’écrire des choses comme ça ! Et il arrivait à écrire des trucs hyper précis sur Paris, le bitume, les camions poubelles… c’était impressionnant !

Journaliste :
Ce personnage est quand même très différent des autres que vous avez joués. Ce n’est plus l’alter ego, ni le narrateur fantôme d’une histoire chorale . C’est plus le véritable trait d’union et un changement de regard de votre part sur les personnages. On a l’impression que vous êtes moins au dessus d’eux, plus avec eux et en même temps il crée une empathie plus qu’une identification directe.

Cédric Klapisch :
C’est vrai que le fait qu’il n’y ait pas de voix off, ça change le regard. Avec le personnage de Xavier, on était dans sa tête et donc on avait son regard sur les autres. Mais je n’ai pas l’impression que c’était un alter-ego. On en parlait beaucoup du temps de « l’Auberge espagnole » et des « Poupées Russes ». C’est vrai que dans « l’Auberge espagnole », il y a beaucoup de choses qui me sont arrivées. J’ai vécu en collocation à New York, c’est ce que j’ai transposé dans le film sans que ce qui arrive au personnage ni le personnage lui-même me ressemblent vraiment, donc c’était un truc inventé à force d’essayer des choses. A l’époque, on nous parlait beaucoup du rapport entre Léaud et Truffaut, rapport d’alter-égo dans les deux sens alors que nous c’était pas ça. On n’essaye pas de travailler sur nous mais plus sur le personnage qui est donc moins proche.

Journaliste :
Est-ce valable aussi pour les autres personnages du film ? Avez-vous cherché une empathie et peut-être un regard un peu moins critique, un peu moins surplombant que dans d’autres films ?

Cédric Klapisch :
L’empathie est toujours quelque chose que j’ai cherché dans tous les films que j’ai fait depuis « Rien du tout », car il y avait déjà une vingtaine de personnages. J’avais l’impression de mettre une part de moi-même dans ces vingt personnages. Je n’ai pas l’impression que ce soit différent ici.

Journaliste :
Avez-vous tout de suite pensé à Juliette Binoche et Albert Dupontel ?

Cédric Klapisch :
J’avais envie de travailler avec les deux, de mettre Romain Duris et Juliette Binoche ensemble, j’avais cette idée de frère et sœur, et puis, ça fait longtemps qu’on avait envie de travailler ensemble avec Albert Dupontel. J’ai eu l’idée qu’il soit sur le marché et au fur et à mesure je me suis dit que ça serait pas mal s’il y avait une histoire entre eux. Beaucoup de choses se sont décidées au fil de l’écriture.

Je suis parti de la scène du taxi que quelqu’un m’avait raconté : il se demandait s’il allait revenir et se disait que tous ces gens avaient bien de la chance. Ca a guidé tout le scénario et ça m’a permis ensuite de repartir à l’envers. Les parcours logiques de chaque personnage ont été très travaillés. J’ai cherché à créer des émotions positives et négatives en même temps, ce qui m’a permis d’assurer la structure globale de l’histoire.

Journaliste :
Vous aviez vraiment envie de tourner à Paris, de lui donner une place que vous ne ressentiez pas dans le regard des autres. Vous vouliez sortir des clichés en donnant une image moins glamour, et vous donnez une réalité bien plus attirante. Vous trouvez une humanité dont les gens n’ont pas l’habitude quand on parle de Paris.

Cédric Klapisch :
J’ai voulu lutter contre notre image ! Je voulais dire que les gens sont aussi simples qu’ailleurs, à Paris. On a cette idée de ville sophistiquée, pesante, pédante, on trimbale cette image-là et c’est vrai que j’ai voulu montrer que dans cette ville comme dans les autres il y a des poissonniers, des boulangères, des profs, des bourgeois, des rustres . Je n’ai pas cherché à enjoliver, je cherche l’humanité [...]. Il faut éviter mais aussi s’attacher à des clichés. Le Moulin Rouge par exemple est un vrai cliché parisien : il faut chercher la profondeur du cliché en fouillant derrière.

Journaliste :
On a tout de même une impression d’échec, que les choses ne se rencontrent pas...

Cédric Klapisch :
Pas complètement car il y a beaucoup de fraternité dans ce film. Le frère et la sœur y arrivent : ils sont très dissociés au début du film et, parce qu’ils "campent" ensemble, il y a un moment où ils retrouvent leur fraternité. Je pense que c’est aussi l’histoire de plein de gens. Même Juliette Binoche et Albert Dupontel arrivent à s’associer. Julie Ferrier et Albert Dupontel malgré les conflits, arrivent aussi à s’associer. Les histoires personnelles du début vont rapprocher les personnages au fil du film.

Journaliste :
Dans ce film, ce qui est troublant c’est que Juliette Binoche et Albert Dupontel se retrouvent après avoir refusé l’un et l’autre, elle une histoire peut-être éphémère avec un noir et lui avec une fille qui n’est pas du tout de sa catégorie sociale.

Cédric Klapisch :
Oui car ils ont envie chacun d’un truc plus sincère. Ils se retrouvent sur le fait d’être en phase. C’est pour cela qu’il est important de montrer que les grandes villes fabriquent beaucoup de séparation et d’individualisme mais aussi du contact et c’est pour cela qu’il est compliqué de comparer la solitude de la campagne et celle de la ville. Je pense que le contact de ces gens qui viennent de partout sont plus "chanceux" en ville. Même s’il y a une tragédie dans l’histoire entre Mélanie Laurent et Fabrice Lucchini, une sorte de tragédie entre les deux générations : lui essaye de vivre une deuxième jeunesse et elle choisit quelqu'un d'autre, mais il y a quelque chose qui s'est passé. Pour moi cette histoire-là n'est pas pessimiste puisqu'elle est aussi triste qu' heureuse.

Journaliste :
Est-ce que pour les acteurs il n'y a pas un petit côté frustrant d'être entouré d'autant d'acteurs, mais de ne jouer qu'avec une petite partie d'entre eux ?

Romain Duris :
Non. On venait à divers moments du tournage et j'avais le sentiment qu'on arrivait dans une boule d'énergie. J'avais l'impression qu'en quinze jours ou trois semaines, ils avaient filé plein d'autres histoires. Ca les habite, on sent qu'ils ont voyagé et qu'ils sont chargés de ça. Ca nous booste. C’est assez énergique.

Gilles Lellouche :
C’est le principe du film choral ! Si on commençait à avoir des scènes tous ensemble ça serait un peu le désordre au niveau des dialogues ! Ce qui est génial c’est de faire partie d’une entreprise où on est tous là. On a un metteur en scène et des acteurs de talent et il faudrait vraiment être prétentieux pour se dire que c’est pas suffisant pour soi, qu’on n'a pas assez joué…On a une belle partition avec des gens qui ont aussi de belles partitions et un réalisateur qui nous prouve depuis longtemps qu’il a énormément de talent. J’étais vraiment ravi de faire ce film !

Propos recueillis par

Lycée Saint-Exupéry Envoyer un message au rédacteur

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