INTERVIEW
BRICK
C’est sur l’une des terrasses de l’hôtel Normandy, sous la douceur d’un inattendu soleil de septembre, que Ryan Johnson, réalisateur de « Brick », sorte de film noir adolescent, nous invite à lui poser quelques questions. Le temps de faire le tour d’une œuvre atypique et cérébrale….
C’est sur l’une des terrasses de l’hôtel Normandy, sous la douceur d’un inattendu soleil de septembre, que Ryan Johnson, réalisateur de « Brick », sorte de film noir adolescent, nous invite à lui poser quelques questions. Le temps de faire le tour d’une œuvre atypique et cérébrale.
Journaliste :
Vous avez réduit la présence des figures adultes à deux personnages dans votre film : le conseiller d’éducation, qui est une sorte de directeur du FBI, et la mère du dealer, qui est soit une serveuse, soit une mamma italienne qui sert du lait à des bébés tueurs. Pourquoi avoir choisi de construire ce monde sans adultes ?
Ryan Johnson :
C’était un choix délibéré. Je voulait créer un monde, comme on le ressent lorsqu’on est au lycée. Vu d’une perspective ado, on ressent tous ces sujets et problèmes comme très sérieux. S’il y avais eu trop d’adultes, le spectateur pourrait s’accrocher à leur point de vue. Du coup les seuls personnages adultes sont des gens auxquels il est impossible de s’identifier. C’est un peu comme dans « Peanuts » avec Charlie Brown, un monde également sans adultes.
Journaliste :
Pouvons nous légitimement voir des parallèles entre votre film et les films noirs, ou d’autres classiques ? Pour exemple, ici l’imperméable du détective est remplacé par une veste, le bourbon par du lait ou du jus d’orange, ou encore « le cerveau » est une sorte de Yoda, toujours assis en tailleur, le dos au mur…
Ryan Johnson :
Je me suis inspiré des romans de Dashell Hamet pour créer un parallèle entre film noir et teenage movie. Et des correspondances étranges se sont fait jour à l’écriture. Ainsi, la femme fatale devait être la méchante chef des pom pom girl (the bad cheerleader). Le cerveau, était l’évident associé, l’expert. L’homme de main musclé devenait le sportif membre de l’équipe de football.
Journaliste :
Est-ce que vous avez une passion pour les chaussures ? Il semble que dans le film, au travers de nombreux plans, elles donnent des indices sur le niveau social des personnages.
Ryan Johnson :
Plus que cela, elles s’ajustent avec l’état physique et psychologique des personnages. Pour le héros, elles sont uniquement utiles, donc usées. Pour son ex, elles sont plutôt délicates, mais abîmées, comme son personnage. Pour « Pin », le dealer, l’une est polie à l’extérieure traduisant son apparence, l’autre ressemble à une botte, avec des semelles plus hautes, traduisant le fait qu’il est tordu à l’intérieur.
J’ai regardé récemment « Footloose », je me suis dit que ça venait peut être de là (rires). Il faut blâmer Val Kilmer. Si je réfléchi à ce qu’auraient pu être les chaussures du conseiller d’éducation, je pense qu’elles auraient été comme celles de Brendan, mais en très polies.
Journaliste :
Vous faites de l’école, un décors très angoissant, en utilisant des couloirs vides, et de longues perspectives. Pourquoi avez-vous choisi de vider totalement tous ces endroits ?
Ryan Johnson :
Cela fonctionne très bien visuellement. J’ai voulu ainsi créer un autre monde, que je montre comme tel dès le départ. Il n’y a pas d’enfants qui courent partout. Cela ajoute au style du film. Et en plus, on ne pouvait pas se permettre d’avoir beaucoup de figurants (rires).
Le tournage a eu lieu dans mon propre lycée, San Clemente. L’autoroute, fortement présente sur le site, était déjà là à l’époque. Lors du tournage, cela a d’ailleurs posé de gros problèmes pour les prises de son.
Journaliste :
Est-ce qu’il a été facile de convaincre Joseph Gordon Lewitt de jouer ce rôle, dans lequel il prend beaucoup de coups ?
Ryan Johnson :
En fait, il aime cela (rires). Il recherche l’aspect physique des choses. Il est d’ailleurs ami avec une troupe de clowns russes très talentueux. Du coup, il se jette lui même dans ces aspects du jeu. Mon job c’est qu’il ne se blesse pas, qu’il ne se « jette » pas trop dans le feu de l’action.
Journaliste :
Est-ce qu’il a été facile de convaincre les producteurs ?
Ryan Johnson :
Le montage financier a été quasi impossible, surtout avec un script étrange et décalé comme celui là. Les producteurs ont eu tendance à le voir comme un objet, intéressant, mais trop risqué. Ils pensaient que le film avait beaucoup de chance de se planter. C’est grâce à ma famille en France que j’ai pu monter le film. J’ai un peu fait la manche. Mais le budget était finalement inférieur à 500 000 $.
Journaliste :
Comment avez-vous choisi la musique du film, et notamment le basculement des clochettes, vers les saxos du film noir ?
Ryan Johnson :
Je voulait une musique à laquelle on ne s’attend pas. C’est mon cousin qui a créé la musique, à base d’essais diverses. Quant aux « clochettes », se sont des effets obtenus lorsque l’on secoue le baton, non pas dessus, mais à l’intérieur du xylophone.