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HOMMAGE : Bernard Giraudeau, la mort dans la peau
La nouvelle a fait grand bruit. Les témoignages de soutien à sa famille ont été nombreux. Bernard Giraudeau, cinéaste français, est mort à l’âge de 63 ans des suites d’une longue maladie dont il ne taisait pas le nom : le cancer. Il luttait depuis dix ans contre ce poison qui a finalement eu raison de lui. Retour sur la carrière d’un grand homme à qui le cinéma, le théâtre et la littérature manquera.
Un grand comédien, réalisateur et écrivain est décédé ce samedi 17 juillet 2010, laissant derrière lui une grande carrière et une grande générosité. Bernard Giraudeau, né le 18 juin 1947 à La Rochelle, est mort d'un cancer après 10 ans de lutte contre la maladie.
Découvert en 1973 dans le film "Deux hommes dans la ville" de José Giovanni avec Alain Delon et Jean Gabin, Bernard Giraudeau impose déjà son charisme et son professionnalisme.
Il est jeune, il a déjà fait deux fois le tour du monde grâce à la Marine nationale et il a soif d'apprendre le métier de comédien. Pourtant, aux premiers cours d'art dramatique, on ne lui fait pas de cadeau... Il ne maîtrise pas la diction optimale des textes et son allure est jugée trop chaloupée. Qu'à cela ne tienne, il prendra des cours d'élocution, de danse et s'acharnera à donner le meilleur de lui-même. Sa persévérance est vite récompensée. Il obtient quelques années plus tard un Premier Prix de comédie classique et moderne au Conservatoire supérieur national d'art dramatique.
Il se lance donc corps et âme à ce passionnant métier de comédien qui l'entraînera très vite sur les meilleurs plateaux de tournage et sur les plus belles scènes de théâtre. Avec son regard perçant et son minois ravageur, il commence à interpréter sur grand écran des rôles de tombeur comme dans "Et la tendresse? bordel !" (Patrick Schulmann, 1979), "Viens chez moi j'habite chez une copine" de Patrice Leconte (1981, avec notamment Michel Blanc) ou encore "L'Année des méduses" de Christopher Frank (1984, avec notamment Valérie Kaprisky et Caroline Cellier).
Dans la lignée d'un Belmondo, d'un Delon ou d'un Ventura, il joue aussi les gros bras dans des films physiques où il tient des rôles de costauds au grand coeur. Citons notamment "Le Grand Pardon" (Alexandre Arcady, 1982) et "Les Spécialistes" (Patrice Leconte, 1985). Mais Bernard Giraudeau refuse d'être enfermé dans la case du parfait gendre idéal. Et dès qu'il en a l'occasion, il casse son image en interprétant des rôles différents dans des films beaucoup moins commerciaux. Sa passion des voyages et des terres d'ailleurs l'amène à suivre Gilles Béhat, pour le film "Les Longs Manteaux" (1986), jusqu'en Bolivie. En 1987, il joue le rôle d'un médecin de retour de Beyrouth dans "L'Homme voilé" de Maroun Bagdadi. Et surtout sa deuxième réalisation pour le cinéma, sortit en 1995, "Les Caprices d'un fleuve" nous emmène en Afrique noire au temps de la Révolution française.
C'est d'ailleurs au milieu des années 90 qu'il revient vraiment devant les projecteurs du 7e art.
En 1994, Nicole Garcia lui offre l'un de ses plus beaux rôles dans "Le Fils préféré", aux côtés de Gérard Lanvin et Jean-Marc Barr. En 1996, Patrice Leconte, encore lui, lui donne le rôle de Vilecourt dans le sublime "Ridicule". En 1997, Véra Belmont le fait incarner Molière, qui lui va comme un gant, dans "Marquise", aux côtés de Sophie Marceau et Lambert Wilson. En 2000, enfin, il excelle dans des rôles de personnages tout à fait ambigus et manipulateurs : d'une part chez François Ozon pour "Gouttes d'eau sur pierres brûlantes" puis chez Bernard Rapp dans "Une affaire de goût".
2000, c'est aussi l'année pendant laquelle il apprend qu'il est atteint d'un cancer. Cette galère, il décide de ne pas la garder pour lui et de se lancer dans un double combat : lutter contre sa maladie qui fait partie intégrante de lui et faire en sorte d’améliorer les conditions d'accueil des malades du cancer en France. Il crée ainsi sur le site de « La Maison du Cancer » un forum intitulé "On ira tous à l'hôpital" et critique ouvertement la réduction des budgets confiés aux hôpitaux français. Il en parlera pas plus tard que le 10 mai dernier pour Libération où il fustigeait encore « On a une médecine qui est bafouée, attaquée par les pouvoirs publics qui veulent faire des économies à tout prix. »
Bernard Giraudeau est un humaniste, un homme de combat et plein d’idéaux. C’est un militant d'Amnesty International, un signataire de pétitions humanitaires, un membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence. Un parfait gendre idéal en somme !
Ses deux premiers films comme réalisateur, "La Face de l'ogre" (1988) et "L'Autre" (1991), racontaient comment la mort frappait ses héros ordinaires et comment ces derniers l'affrontaient en la repoussant le plus loin possible et en faisant de l'espoir pour la vie un combat plein de sens. Ce combat il l'a mené 10 ans durant, jusqu'à ce samedi 17 juillet 2010, date à laquelle la maladie a eu raison de lui. On se souviendra de son talent, on se repassera ses films et ses réalisations, et on se remémorera son courage. Bernard Giraudeau n'est peut-être plus, mais il sera toujours encore un peu là.
Informations
Filmographie sélective :
1973 : Deux hommes dans la ville
1979 : Le Toubib (nomination au César du meilleur second rôle masculin)
1980 : La Boum
1981 : Viens chez moi, j'habite chez une copine
1984 : L'Année des méduses
1895 : Les Spécialistes
1987 : L'Homme voilé (Prix de la meilleure interprétation masculine au Festival de Venise)
1991 : L'Autre (nomination au César de la meilleure première oeuvre)
1993 : Une nouvelle vie
1994 : Le Fils préféré (nomination au César du meilleur second rôle masculin)
1996 : Les Caprices d'un fleuve
1996 : Ridicule (nomination au César du meilleur second rôle masculin)
2000 : Une affaire de goût (nominé au César du meilleur acteur)
2003 : Ce jour-là (Prix du meilleur acteur au Festival de Cabourg)
2003 : La Petite Lili
2004 : Je suis un assassin
2005 : Chok-Dee