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VICTORIA

Un film de Sebastian Schipper

L’histoire d'une nuit qui dérape dans un film sous haute tension

5h42 du matin, dans les rues de Berlin. Victoria, une jeune Espagnole, installée dans la capitale allemande depuis quelques mois, se fait approcher, à sa sortie de boîte de nuit, par une bande de garçons plutôt alcoolisés. Se laissant convaincre par l’un d’eux, elle décide de les suivre…

Victoria, qui donne son titre à ce film allemand, n'est autre que le personnage principal de cette œuvre choc, vouée à provoquer chez le spectateur d'abord une position d'inconfort face à la situation d'insécurité dans laquelle la jeune Espagnole se met, puis dans un réel état de stress du fait de l'engrenage qui s’en suit. Sans trop dévoiler la structure de l’histoire qui réserve de multiples rebondissements, on dira simplement que le point de vue adopté par le metteur en scène permet de jouer avec les incertitudes qui planent autour des intentions du personnage principal masculin et de sa bande d’amis, alternant entre douceur et pression.

Évacuons tout de suite les critiques que pourraient émettre certains quant au début du film et à la trop grande naïveté du personnage principal. Pour cela, il suffit de rappeler que Victoria est espagnole et qu'il n'est pas rare, lorsque vous sortez en Allemagne, de vous faire happer par un groupe d'amis avec qui vous terminerez la soirée. En cela Victoria semble d'emblée un personnage crédible, ancré dans sa propre culture, et naturellement ouvert aux rencontres et aux autres. Le scénario, après avoir esquissé l'attirance entre les deux protagonistes principaux, les embarque dans une histoire qui les dépasse, au contact d'un caïd peu rassurant.

Filmé en temps réel, dans un seul et prodigieux plan séquence qui a valu au film le Prix de l'innovation au Festival de Berlin 2015, "Victoria" offre une implacable mise sous tension. La caméra de Sebastian Schipper propose en effet une réelle immersion. Celle-ci est d'autant plus efficace qu'elle ne laisse que ponctuellement du répit au spectateur, dans ce qui devrait pourtant être des scènes particulièrement bruyantes (une virée pochtronne à pieds, un tour pour se défouler en boîte de nuit...) mais couvertes d'une musique aérienne, ou des scènes plus intimes (la séquence au café où Victoria évoque son passé au conservatoire, l'implacable compétition et l'absence d'amis).

Récit d'un amateurisme mal assumé, le film souffre malheureusement sur la fin de quelques situations à la cohérence discutable, que ce soit sur la facilité à sortir d'un lieu sécurisé par la police, ou sur le temps mis par le staff d'un hôtel à réagir sur un événement. Porté par un petit groupe d'interprètes prometteurs, dont la jeune Laia Costa (vue dans la série espagnole "Cuéntame un cuento" de 2012) et Frederick Lau (découvert en France dans "La Vague" en 2008 et vu depuis dans "La Comtesse" de Julie Delpy), "Victoria" est de ces films capables de vous provoquer un ulcère, remuant vos tripes et provoquant sursauts comme inquiétude. Un vrai plaisir de cinéma.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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