PRIX A PAYER (LE)-2
Le prix à payer qu'ils évitent de payer, mais qu'il faut bien que quelqu'un paie !
Et devinez qui le paie ? Le citoyen. Pas assez fortuné pour "optimiser" fiscalement son patrimoine, il reste prisonnier des taxes qui ne font qu'augmenter, du fait de gouvernements qui tentent de combler vainement des déficits. Les grandes corporations, quant à elles, travaillent toutes les faillent juridiques à grands renforts d'avocats et d'experts fiscalistes pour déplacer les revenus générés d'un pays vers un paradis fiscal.
Jusque-là rien de bien neuf et effectivement le documentaire pourrait sembler tourner à vide et se contenter de répéter ce que le très intéressant "Évasion fiscale, le hold-up du siècle" ou d'autres très bons documentaires d'Arte, comme "La City de Londres, finance en eaux trouble" affirment. Ces derniers rappellent, à juste titre, que la City of Westminster a sa grande part de responsabilité dans la croissance des paradis fiscaux, puisqu'elle est elle-même le premier devant tous les autres. Mais ce qui est très intéressant avec "Le Prix à payer" c'est qu'il décortique, d'abord l'histoire de la finance, avec les grandes figures qui l'ont changée, mais surtout qu'il pointe du doigt l'absolue immoralité du système.
Les multinationales profitent ainsi des infrastructures, des recrues qualifiées et diplômées grâce à des systèmes éducatifs payés par les contribuables. Harold Crooks démontre le vol perpétré par ces corporations qui déménagent leurs sièges sociaux au grès des conditions fiscales. Nombre d'intervenants révèlent que l’État providence est devenu par voie de fait, face à l'évacuation massive des entreprises, un État concurrence. On parle aujourd'hui de compétitivité d'un État. Et ses finances en pâtissent, ses contribuables aussi, forcément.
Ainsi, il est jubilatoire d'assister aux audiences du Parlement britannique particulièrement truculentes et sagaces grâce à la verve des parlementaires malmenant des cadres d'Amazon et Google sur le fait que 80% de leurs revenus sont soi-disant générés par les sièges sociaux qui sont, comme par hasard, situés dans des pays à la finance plus clémente que ceux hébergeant leurs sites de production. Même si ces audiences sont probablement vaines, les voir reste tout de même jouissif.
Là où le documentaire de Crooks est encore plus intéressant, c'est lorsqu'il évoque ces corporations commercialisant la big data. Ce flux continu d'information personnelles que nous déversons vers Google, Facebook et consorts, et qui sont ensuite revendus à des régies publicitaires et autres obscures sociétés à but très lucratifs. La fiscalité n'a jamais été prévue en ce sens et on voit bien finalement que la question fondamentale à résoudre est l'actualisation du système fiscal pour pouvoir imposer ce qui est produit dans l’État où la valeur est produite. Mais pour cela il faudrait une initiative mondiale. Une tentative difficile à mettre en place en pleine hégémonie du concept de concurrence entre États…
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur