INSECT
Infect
Une troupe de comédiens répète une pièce de théâtre des frères Capek autour de la vie des insectes. Pendant la répartition, la vie privée des comédiens va se mélanger avec la destinée des personnages de la pièce. Et tout ceci est en réalité un film tourné par le réalisateur Jan Svankmajer et son équipe…
Oubliez qui réalise ce film – une figure majeure du cinéma d’animation tchèque à qui l’on devait déjà une remarquable adaptation animée d’"Alice au pays des Merveilles". Oubliez ce qu’il est censé raconter – des acteurs qui deviennent les insectes qu’ils sont censés incarner. Oubliez aussi sa présence parmi les séances spéciales du festival d’Annecy 2018 – quel foutage de gueule d’avoir ici cinq minutes de stop-motion superflue au beau milieu d’1h40 de prises de vue réelles ! La colère que l’on ressent ici cible aussi bien l’incongruité d’une telle sélection dans un « festival d’animation » qu’un résultat qui dépasse les frontières du supportable. Pour décrire la chose, imaginez un mauvais film de Jacques Rivette dans lequel – histoire de schématiser à nouveau la fragilité du rapport entre la vie et le théâtre – une troupe de comédiens défoncés au schnaps et encore plus mal déguisés que les figurants d’un sketch de "Téléchat" rateraient en boucle leur répétition d’une pièce débile. Vous visualisez la chose ? Vous êtes encore loin du compte…
Pour en rajouter un peu plus dans l’aspect « poupée russe », Jan Svankmajer intègre ici un effet de mise en abyme qui tombe lamentablement à plat. Le voir tourner difficilement un film sur des acteurs ridicules qui jouent eux-mêmes des acteurs ridicules, et donner à voir l’envers d’un décor plus cafardeux qu’autre chose, aurait même davantage à voir avec cette curieuse expérience arty tentée en 1971 par Jean-Michel Barjol et intitulée "What a Flesh !", dans laquelle une troupe d’acteurs français étaient enfermés et filmés dans un lieu unique pendant 72 heures en train de faire un peu n’importe quoi. Sauf que face à de l’arty sans propension à stimuler et avec des comédiens que l’on laisse s’agiter en roue libre dans des costumes de CM2 en papier mâché, on ne récolte rien d’autre qu’un gros machin informe, à contempler comme une longue séance d’humiliation pour ceux qui sont dans l’écran et d’automutilation pour ceux qui sont devant. Voir la seule salle d’Annecy qui projetait le film se vider au compte-gouttes dès les cinq premières minutes aurait dû être pour nous une alerte. Et voir un artiste d’ordinaire aussi inspiré que Jan Svankmajer se fourvoyer à ce point fut une déconfiture en bonne et due forme… Allez, un bon coup de Baygon, et on oublie…
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur