ÇA
Ça c’est pas mal
Nous sommes à Derry, petite ville du Maine où les disparitions d’enfants sont monnaies courantes. C’est là que vivent Bill et son petit frère Georgie. Un jour, ce dernier tombe nez à nez avec Grippe-Sous, un clown à l’allure étrange et inquiétante vivant dans les égouts. On ne reverra ensuite plus jamais Georgie, comme tous les autres enfants que Ça a emportés depuis des années. Bill et ses amis, qui se surnomment eux-mêmes le Club des Ratés, vont alors partir à la recherche de la tanière de Ça avec l’espoir d’enfin pouvoir mettre un terme au carnage…
"Ça" est la seconde adaptation pour l'écran du roman éponyme de Stephen King paru en 1986, après le diptyque télévisuel "Il est revenu" de Tommy Lee Wallace diffusé en 1990 aux Etats-Unis. Voilà donc presque 30 ans qu'aucun réalisateur n'avait voulu s'attaquer à ce monument de la littérature horrifique, pourtant considéré comme l'un des meilleurs romans de Stephen King. Et pour cause, l'œuvre originale est particulièrement complexe. Au niveau temporel tout d'abord, puisqu'outre les événements de 1957 et de 1985, King y évoque également des événements survenus en 1740 et même à la préhistoire ! Une période très étendue à travers laquelle l'auteur navigue, passant également par les points de vue de ses 7 personnages principaux.
Cette narration allant et venant entre un si grand nombre d'éléments rend l'adaptation de "Ça" particulièrement périlleuse. En 1990 déjà, Tommy Lee Wallace avait dû se résoudre à modifier ou à tout bonnement retirer de nombreux passages de l'œuvre afin de simplifier le récit. Certes en 2017 nous sommes capables de bien des choses, mais retranscrire la richesse et la complexité d'une œuvre telle que "Ça" en quelques heures de film est, et devrait rester, hors de notre portée. Sans aller jusqu'à dire que l'entreprise était vouée à l'échec, il faut admettre qu'il est très compliqué de transposer fidèlement cette histoire sur un écran. Mais on pouvait aussi se dire que l'Argentin Andy Muschietti avait les moyens de ses ambitions au vu de ce qu'il nous avait proposé dans "Mamá", son premier long-métrage sorti en 2013.
Finalement, c'est bel et bien au niveau de la narration que le film est le plus à la peine. L'ensemble manque d'unité. On a l'impression d'assister à une succession de scènes sans réel fil conducteur, alors que l'on est supposé suivre l'enquête du Club des ratés en passant de l'un à l'autre, comme dans le livre. Nous avons les mêmes personnages, les mêmes objectifs et pourtant, tout ne s'imbrique pas parfaitement. C'est sans nul doute le principal reproche que l'on peut faire au réalisateur argentin même si, comme nous le disions, l'entreprise était périlleuse.
Mais dans l'ensemble on peut dire que Muschietti s'en est plutôt bien sorti. Au niveau de la mise en scène et de l'image, pas d'erreur notable, on relèvera même quelques très bonnes idées, mais malheureusement, le film comporte aussi un certain nombre de moments plus faibles, notamment les scènes purement horrifiques. Comme dans "Mamá", l'histoire prend souvent le pas sur le genre. Les personnages sont assez réussis. La relation entre Bill et son petit frère Georgie, dont la disparition sert d'introduction au film, est intelligemment mise en place et rappelée à la mémoire du spectateur tout au long du film. Toute l'intensité émotionnelle de cette relation enrichie le personnage de Bill lui donnant de vraies motivations (ce qui manque parfois aux personnages d'œuvres horrifiques, à plus forte raison lorsqu'ils sont si nombreux).
Concernant Beverly Marsh, on comprend immédiatement pourquoi elle est si convoitée par les garçons du groupe et si détestée par les autres filles de l'école. En revanche, alors que le livre faisait d'elle une excellente tireuse au lance-pierre, le film passe complètement sous silence le côté guerrier de la jeune fille la transformant même à l'occasion de sa séquence de fin, en demoiselle en détresse sauvée par un baiser. Vraiment dommage. Les répliques à la fois cinglantes et drôles de Richie Tozier alias Grande Gueule, interprété par le jeune Finn Wolfhard – que l'on a déjà pu voir dans la série "Stranger Things" – sont particulièrement plaisantes. Enfin, le personnage d'Eddie, jeune garçon interprété par Jack Dylan Grazer, est lui aussi très intéressant à suivre dans sa progression pour se libérer du joug de sa mère surprotectrice.
Dans l'ensemble, on peut dire que "Ça" est un film réussi. La seconde partie est attendue pour 2019, puisque, comme Tommy Lee Wallace en 1990, les scénaristes ont choisi de bien distinguer les événements de 1957 et ceux de 1985, et grand bien leur en a pris ! On aura donc une suite qui se déroulera en 1985 quand les personnages seront devenus adultes. Andy Muschietti sera à nouveau aux commandes, on est curieux de voir ce que cela va donner.
Adrien VerotEnvoyer un message au rédacteur