LUMIÈRE !
Un indispensable travail de fourmi
Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière à Lyon, commente les films Lumière restaurés, éclairant les débuts du cinématographe, l’invention de la mise en scène et la beauté des compositions en noir et blanc…
Le carton d'introduction annonce l'ampleur du projet : entre 1895 et 1905, les frères Lumière et leurs différents opérateurs auront tourné quelques 1422 films, répertoriés à leur catalogue, et le film que nous allons voir en présente entièrement ou partiellement 114, récemment restaurés, pour évoquer leur technique, son évolution et le témoignage d'une époque qu'ils représentent. Regroupés en 11 chapitres (Au commencement, Lyon, Enfances, La France qui travaille, La France qui s'amuse, Paris 1900, Le monde tout proche, De la comédie, Un siècle nouveau, Déjà du cinéma et À bientôt Lumière), ces films au format carré, bords arrondis, permettent d'aborder les sujets de prédilection des Lumière (les enfants, les machines, l'envie de montrer le monde), leur goût pour la comédie, leur don pour la composition du cadre, ou encore leur intelligence promotionnelle.
Si le commentaire documenté et bienveillant de Thierry Frémaux appuie sur le fait qu'il s'agit bien, dès les premiers films, d'une logique de mise en scène faisant appel à des compositions calculées et des acteurs plus ou moins dirigés, c'est pour mieux couper court à tous les débats récurrents sur la paternité du cinéma en tant que technique (face à Edison) ou art (face à Méliès). Méthodiquement, au travers d'un montage savamment étudié, il remet aussi en perspective certaines réalités (le film connu comme « la sortie des usines Lumière » étant en réalité une troisième version, « l'arroseur arrosé » a fait l'objet de nombreux remakes...), tout comme il montre les balbutiements des mouvements de caméra (l'invention du travelling, en bateau...) déjà ressentis comme indispensables.
Présenté au dernier Festival de Cannes, sorti dans une superbe édition DVD, "Lumière, l'aventure commence" fait aujourd'hui l'objet d'une sortie en salles méritée et se pose en documentaire indispensable pour tout cinéphile. Il apporte de plus une captivante représentation d'une époque, celle d'un monde où le progrès industriel est en plein essor, avec ses nombreuses machines improbables. Regroupant des vues des quatre coins du monde, mais aussi de la mythique exposition universelle de 1900, le film en devient un témoignage essentiel sur un monde en devenir, où les différences de classes sociales étaient alors fortement affirmées.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur