OUTRAGE
Un décevant retour aux sources
Lors d’un festin avec le chef de l’organisation mafieuse Sanno-kai, qui règne sur Tokyo et ses environs, Kato, le numéro 2, demande à Ikemoto, chef d’un clan affilié, de ne plus traiter avec un autre caïd qui déplaît au Président. Pour faciliter les choses, Ikemoto confie à Otomo, yakusa à l’ancienne qui règne sur son petit clan personnel, la sale besogne de s’attaquer au caïd gênant. C’est le début d’une longue série de trahisons et divisions qui, très vite, entraîne un véritable bain de sang…
Maître du genre dans les années 90, puis passé à des œuvres plus poétiques dans les années 2000 (« L’Eté de Kikujiro », « Dolls »), le grand Kitano revient avec un film de yakusas, présenté en compétition au festival de Cannes 2010. Et le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a laissé personne indifférent : le film est particulièrement violent. En effet, rares sont les cinéastes qui filment la violence avec autant de frontalité. Véritable enchaînement de massacres, dont on ne retiendra que deux ou trois trouvailles originales (dont celle chez le dentiste), “Outrage” ne tient nullement ses promesses.
Si l’on se penche sur la filmographie de Kitano, on se souvient surtout d’“Hana-bi” (1997), autre film de yakusas réalisé qui mettait en scène la même violence, avec autant de radicalité, mais doté d’une double trame : le déclin de l’amitié et les derniers jours à vivre de l’épouse. Cette dichotomie donnaient à cette violence tout son sens, voire toute sa force émotionnelle. Ici, rien de tout cela. Kitano déconnecte l’univers des clans de toute réalité sociale ou affective (chacun attend les ordres dans son bureau), pour ne se pencher que sur eux et leurs absurdes stratégies d’alliance et de domination. Résultat : passée la première demi-heure à peu près regardable, où l’intrigue se met en place et où l’on passe en revue la série de protagonistes (une douzaine, tous traités au même niveau), le film devient un tunnel sans fin de fusillades.
La pertinence des cadrages et l’efficacité de la mise en scène ne suffisent pas à maintenir un semblant d’intérêt. Le jeu de rôles qui s’instaure, la manipulation constante des grands chefs sur les seconds et les volte-faces successifs, amusants au début, finissent pas lasser. Et surtout, on regrette que Takeshi Kitano ait privilégié la froideur et la rigueur à l'humour, palpable au début, mais complètement éradiqué du reste du film. La scène la plus caricaturale de ce cercle infernal est celle mettant en scène un policier tirant sur un homme au volant d’une voiture, une seconde avant d’être abattu à son tour par un autre. On en baillerait presque.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur