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AFFAIRE DE FAMILLE

Un film de Claus Drexel

Monsieur tout-le-monde voit sa vie basculer sans toutefois bousculer la nôtre

Dans la vie de Laure Guignebont, il y a Jean, son mari, et Marine, leur fille. Il y a aussi Les Marmottes, le magasin de souvenirs délicieusement kitsch qu’elle tient à Grenoble, les livres de Stephen King et le chocolat, antidote à l’ennui ou à l’angoisse, allez savoir. Dans la vie de Jean Guignebont, il y a Laure, son épouse, et Marine, leur fille. Mais il y a aussi le football, le football et le football, entre nostalgie et espoirs déçus, penalty raté et fantasme d’exil au Brésil. Et puis, un soir de match, dans la vie des Guignebont, débarque un sac de sport rouge rempli de billets de banque. Lorsque Laure le découvre dans le bureau de Jean, dans la vie des Guignebont, s’insinuent le doute, le mensonge et la dissimulation. Trompeuses apparences, tromperies apparentes, la petite mélodie se joue en surface mais aussi en sous-sol. La famille, quelle affaire…

Voilà un film plaisant, qui met en avant le quotidien banal d’une famille banale dans une ville banale. Ce qui leur arrive est néanmoins tout à fait exceptionnel, et c’est la réaction face à ce gain inopiné dont il est question. Avec un scénario construit sur les trois perceptions différentes de l’intrigue par les personnages, le rôle participatif du spectateur est ici mis à l’épreuve, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Toutefois, il est dommage que l’inventivité du scénario ne soit pas davantage retranscrite sur le plan esthétique, les enjeux de mise en scène étant d’avantage au service du nœud dramatique qu’à une proposition de cinéma.

Le changement de ton est quant à lui assez ingénieux, dévoilant les facettes multiples de chaque personnage. La communication étant inexistante dans cette famille, les protagonistes demeurent prisonniers de leurs fantasmes. Résultat: les quiproquos et les décalages se succèdent, permettant à chaque acteur de devenir le héros temporaire de son quotidien chamboulé. On se laisse piéger par le savoureux bon sens «terre à terre» de Laure Guignebont, qui se transforme en héroïne romantique et désespérée, tout comme le personnage de Caravaca qui virevolte du ton lisse et anodin à l’humour noir. Ce mélange des genres s’avère très efficace, bien qu’un peu trop écrit, les références cinématographiques étant aussi évidentes qu’ambitieuses (Shining, les films des Frères Coen…).

Au-delà d’un scénario bien construit, le thème de cette enquête-comédie s’articule autour de l’identification du spectateur à une famille dont l’engrenage rodé sera perturbé. Que ferions-nous si l’on découvrait autant d’argent? Pour les parents, la réponse est simple avec l’envie d’une seconde chance, de tout recommencer loin, là où leur passé et ses ratages ne les caractériseraient pas. Un doux vent de folie souffle ainsi sur ce film, et si cela ne suffit pas à en faire un grand film, il a le mérite de nous faire passer un agréable moment grâce à un scénario bien ficelé, interprété par des acteurs à la prestation impeccable.

Camille ChignierEnvoyer un message au rédacteur

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