MA MÈRE
Une provocation malsaine, souvent gratuite et insoutenable
Pierre ( Louis Garrel ) apprend à connaître sa mère ( Isabelle Huppert ) et découvre vite sa personnalité bizarre et obsédée. Entre amour et rejet, il se trouve alors confronté à ses propres désirs et à ceux de sa mère. Cherchant en quelque sorte à se rapprocher à la fois de lui-même et de sa mère, Pierre entreprend une sorte de parcours initiatique pour le moins décalé…
Avec cette relation quasi incestueuse, Christophe Honoré est arrivé à faire pire que « Romance », « Baise-moi » et « Irréversible » réunis ! Il pousse la provocation à l'extrême, dans le seul but apparent de choquer le spectateur. Car qui pourrait trouver de véritable autre raison à tout ce qu'on voit et entend dans ce film ? Les personnages sont tellement illogiques et fous qu'ils sont parfois à la limite de la cohérence humaine. Une telle histoire aurait peut-être moins choqué si elle avait eu lieu dans un hôpital psychiatrique, car seule la folie semble expliquer certaines situations.
Les visages et propos des personnages changent du tout au tout en une fraction de seconde, à tel point qu'on se demande parfois si ce n'est pas un autre personnage. Bien sûr on peut se dire que la vie dépravée de ces gens provoque une sorte de schizophrénie dans laquelle ils enfouissent leur mal-être, mais le manque d'humanité de la réalisation ôte toute sincérité à de tels messages éventuels. D'autre part, ce n'est pas tant le fait de parler de toutes ces sexualités souvent déviantes qui scandalise, mais plutôt le fait d'en faire l'apologie.
Pourtant, il est évident que le jeune Pierre vit des traumatismes qui l'handicaperont dans sa vie future. Mais lorsque le film semble commencer à effleurer une réflexion de la part du personnage (la scène sur la plage avec Hansi par exemple), un petit diable semble chuchoter au réalisateur : « là, tu commence à être trop normal et moralisateur, il faudrait penser à mettre quelque chose de choquant maintenant ! » et nous revoilà partis dans la folie intense ! D'ailleurs c'est après un long passage sans doute un peu trop normal que surgit la scène sado-masochiste qui provoquera le retour de la mère et cette fin insoutenable à voir, insupportable à digérer, inhumainement provocante. La seule bande-son de cet épilogue malsain prouve la seule volonté de choquer.
Si « Irréversible » avait réussi à faire passer la pilule provocation par une construction narrative originale, créant un suspense inversé, et par une véritable réflexion sur ce que nous pouvons supporter, « Ma mère » semble ne même pas vouloir compenser cette provocation par une recherche esthétique (la lumière est inégalement mauvaise !), réflective ou expérimentale. A moins que le montage saccadé, qui hache la chronologie même à l'intérieur d'une seule et même séquence, soit le symbole d'une perte de la raison et la volonté de tester la résistance du spectateur. Quant au message, il semblerait indispensable que chaque spectateur garde le suivant : si vous avez tout à fait le droit de vivre comme vous le souhaitez, pensez que vos enfants peuvent ne pas vouloir emprunter les chemins dans lesquels vous les mèneriez… Personnellement, je ne garderai qu'une séquence au fond de moi : celle où Pierre crie "maman" sur la plage, au moment où il comprend qui est vraiment sa mère. Le seul moment véritablement humain, qui est le départ de sa descente aux enfers déclenchée par sa mère.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur