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INTERVIEW

REFUGE (LE)

Journaliste :
 D’où vous est venue cette idée de filmer une femme enceinte ?

François Ozon : J’en avais envie depuis longtemps. Au cinéma, on voit toujours des femmes à faux ventres, ou alors avant/après leur présumée grossesse. A l’été 2008, une amie comédien…

© Le Pacte

Journaliste :
 D’où vous est venue cette idée de filmer une femme enceinte ?

François Ozon : J’en avais envie depuis longtemps. Au cinéma, on voit toujours des femmes à faux ventres, ou alors avant/après leur présumée grossesse. A l’été 2008, une amie comédienne m’a annoncé qu’elle était enceinte. Je lui ai parlé de mon projet de film, qui au début l’emballait. Mais au bout de trois jours, elle a changé d’avis. J’en ai alors parlé à ma directrice de casting, qui m’a informé que trois actrices à Paris attendaient un bébé, dont Isabelle Carré. Elle a accepté ma proposition, sous deux conditions : que le tournage ait lieu dans le Pays basque et que le nourrisson que l’on voit à la fin soit une fille, parce qu’elle attendait un garçon et ne voulait pas que son fils puisse penser que le film racontait son histoire.

Journaliste : 
Et comment avez-vous construit le scénario ?

François Ozon : 
Je voulais raconter l’histoire d’une femme plongée dans la dope, dont le petit copain meurt et qui, apprenant qu’elle est enceinte, doit prendre une décision. C’était en tout cas la trame de départ. Je ne savais pas encore quelle tournure prendrait le film.

Journaliste :
 Vous voulez dire qu’il n’y avait pas de scénario de départ ?

François Ozon : 
En effet, tout n’était pas complètement écrit, nous sommes un peu partis à l’aventure. C’est ce que j’aime dans le cinéma. C’était possible car nous n’étions au départ qu’une petite équipe de huit personne, dotée d’un petit budget. Nous n’avions pas vraiment de pressions économiques, nous pouvions donc nous permettre de faire les choses au fur et à mesure. Avant l’été, nous ne savions même pas où nous allions tourner ! Nous avons loué la maison au tout dernier moment... De plus, le tournage s’est fait en deux temps : pendant la grossesse d’Isabelle, et après. Ce sont des conditions de travail idéales pour moi.

Journaliste :
 Comment s’est passé le tournage avec Isabelle Carré ?

François Ozon : 
Par chance c’était son premier enfant : elle ne pouvait pas savoir à quel point ça serait dur ! (rires) Sérieusement, le tournage a été très éprouvant pour elle. Même des scènes toutes simples, où elle devaient se rasseoir pour se relever, étaient pénibles à recommencer. La scène où elle avance sur la plage, par exemple, a été très éprouvante pour Isabelle. Elle s’est rendue compte qu’elle se fatiguait vite, physiquement comme émotionnellement. Nous avons donc dû adapter le tournage, et même l’écourter de quelques jours, car elle n’en pouvait plus. La scène en boîte de nuit a été tournée après son accouchement, avec un faux ventre.

Journaliste :
 Aviez-vous conscience, au début, que c’était un projet risqué ?

François Ozon : 
Oui bien sûr. Le tournage pouvait s’arrêter à tout moment sur simple décision du médecin. D’ailleurs, nous avons dû finir un peu plus tôt que prévu. Mais il n’y a pas eu de problème majeur, et quand bien même il y en aurait eu, c’était un projet peu impactant financièrement.

Journaliste :
 Et pourquoi une telle fascination pour la grossesse ?

François Ozon : 
(rire) En fait je me sens assez proche du personnage du dragueur dans le film, qui tombe complètement sous le charme de Mousse parce qu’elle est enceinte. Ca me passionne. J’avais envie de savoir ce qu’une femme enceinte ressent, comment elle bouge. Sur le tournage, j’ai appris beaucoup de choses à ce sujet ! Notamment, je me suis rendu compte que les humeurs d’une femme enceinte sont compliquées, atmosphériques.

Journaliste : 
Pourquoi avoir choisi Louis-Ronan, qui n’avait jamais tourné avant, pour incarner Paul ?

François Ozon : 
Louis est musicien, et je l’ai découvert sur scène à l’un de ses concerts. Je l’ai trouvé tout de suite intéressant, beau, et doté d’une vraie présence. J’avais envie de le faire jouer dans un film.

Journaliste : 
Louis, comment avez-vous vécu votre collaboration avec François Ozon ?

Louis-Ronan Choisy : 
Je me souviens des premiers essais. J’étais très premier degré, j’essayais de “jouer” le texte. Mais François m’a vite conseillé de m’écarter du texte et de ne pas chercher à l’interpréter. Il fallait que j’y aille à l’instinct.

Journaliste : 
Et pendant le tournage ?

Louis-Ronan Choisy : 
J’avais une grande liberté, à aucun moment je me suis senti vraiment dirigé par François. Je jouais mon texte comme je le sentais, et si je me plantais François me réorientait. Le tournage s’est passé tout en douceur. Nous étions une petite équipe et tout le monde était protecteur.

Journaliste : 
Quelle expérience en tirez-vous ?

Louis-Ronan Choisy : 
C’est totalement différent de ce que j’imaginais. Je croyais que les acteurs jouaient, mais en fait non. Il y a de vrais émotions.

François Ozon : 
Pas pour tout le monde ! (rire)

Louis-Ronan Choisy : 
Vraiment ? Peut-être pas quand on a plus d’expérience...

François Ozon : 
Oui mais c’est parce que tu étais vraiment à fond. Tu étais tout le temps fatigué à la fin de chaque journée de tournage !

Louis-Ronan Choisy : 
C’est vrai (sourire). En tout cas faire l’acteur me plaît bien.

Journaliste : 
Quelle est l’histoire de la chanson que vous avez composée et que vous interprétez dans le film ? Est-ce là aussi quelque chose qui n’était pas prémédité ?

Louis-Ronan Choisy : 
C’était prévu, mais j’ai eu quelques difficultés. En fait j’étais en retard et je bloquais un peu, au point que le tournage de cette scène où je joue la chanson au piano a dû être repoussée. Mais François m’a beaucoup aidé à trouver la juste tournure, qui convenait bien au film.

Journaliste :
 François, vous tournez quasiment un film par an. Où trouvez-vous cette énergie ?

François Ozon : Faire un film est une entreprise difficile : il faut monter le projet, réunir une équipe, trouver des financements. Mais quand le désir et la passion sont là, ce n’est pas pénible : c’st un vrai plaisir. De toutes façons, il faut qu’un sujet m’obsède vraiment pour que je me lance dans un projet et que je le mène à bien. Je laisse aussi la part au hasard -c’était un peu le cas pour “Le Refuge”-, je fais confiance à mon instinct.

Sylvia Grandgirard Envoyer un message au rédacteur

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