INTERVIEW
CONVOYEUR (LE)
Quand on lui demande pourquoi il est resté aussi longtemps sans tourner, Nicolas Boukhrief répond qu’il a travaillé longtemps pour CANAL +, et que lorsqu’il en est parti, il a pris le temps de vivre. Il a alors écrit un vaudeville sur un serial killer, qui ne s’est pas fait, car Gad Elmaleh a re…
Quand on lui demande pourquoi il est resté aussi longtemps sans tourner, Nicolas Boukhrief répond qu'il a travaillé longtemps pour CANAL +, et que lorsqu'il en est parti, il a pris le temps de vivre. Il a alors écrit un vaudeville sur un serial killer, qui ne s'est pas fait, car Gad Elmaleh a refusé le rôle, ce qui du coup formait un déséquilibre dans le couple vedette du film.
Le sujet de son film n'est pas selon lui, véritablement social. Il avait l'ambition de créer un véritable suspens, dont il inverserait les principes. Ici ce ne sont pas les casseurs dont on suit les aventures en se demandant s'ils vont réussir à voler l'argent, mais les convoyeurs, avec la question « vont-ils réussir à protéger leurs vies » ? Certes la description sociale de ce milieu « des ouvriers du pognon », ajoute une dimension à l'histoire, et même une certaine tension.
Il souhaitait que le film soit universel, et a donc recherché une banlieue un peu abstraite, qui puisse évoquer un lieu connu à tout le monde. Le film n'est selon Nicolas Boukhrief, glauque. Il a utilisé une lumière bleutée, car correspond en partie à une certaine réalité liée à l'éclairage aux néons, à la présence du béton et au côté sombre des lieux. De plus, des polars « super éclairés », c'est quand même quelque chose de rare. Les couleurs éteintes font partie du genre. Il fallait rendre l'action crédible, d'où le tournage par exemple dans de vrais fourgons.
L'équipe a réalisé une enquête sur le milieu des convoyeurs. Sur ceux qui ont vu le film, leur réactions ont été d'apprécier le réalisme concernant la nature du travail, les attaques (surtout au niveau du son), et d'être surpris par les réactions violentes des personnages. Cependant, le contexte, avec un dépôt de bilan proche, leur paraissait pouvoir justifier l'état de tension des agents en question. Le réalisateur ajoute alors que ce métier difficile, mal payé, devait forcément donner un film terrible. C'aurait été la même chose si on représentait la réalité du travail de médecin de nuit, loin de la série Urgences, et des clichés de la télé.
Il confirme que le film ne lorgne pas du côté des polars américains, mais fait plutôt référence à des films français, comme ceux d'Alain Corneau. Ce type d'œuvre est cependant difficile à produire. Et ce fut le cas ici grâce à un producteur audacieux, qui avait déjà commis Irreversible ou Sang Neuf, qui sortira en juin 2004. Il fallait éviter avec Le Convoyeur, un facile plongeon dans l'ultra violence stylisée à la John Woo, car ici les personnages ne sont pas des super-héros. Tout cela se passe dans la tête de Dupontel, au milieu d'un ensemble d'hommes fantômes.
Dupontel a eu connaissance du rôle par le scénario. Et il avoue s'être fait piéger jusqu'à la page 45, ou le secret est dévoilé. Son personnage lui est alors apparu très humain. Son mobil était très émouvant. Ce qui l'intéresse dans ce rôle, c'est l'aspect ambiguë du personnage, comme n'importe qui, loin des stéréotypes attendus. Boukhrief ajoute que les raisons de la motivation du personnage étaient situées au début du scénario initial. Du coup, on ne découvrait les convoyeurs qu'au bout de 30 pages. Il a alors décidé de supprimer ces pages, et de faire des braqueurs, des hommes les plus abstraits possibles.
Pour Dupontel, son personnages n'est pas antipathique. Il fallait que l'on sente qu'il a un secret, sans deviner lequel. Ce qui est intéressant dans le film, c'est que le public se pose les mêmes questions que les convoyeurs sur ce personnage mystérieux. Sa musculature a permis de montrer sa force par un autre biais que de simples bagarres. C'est un peu un mort vivant, qui doit faire face à trois femmes, qui sont un peu son passé (sa femme), son présent (Claude Perron), et son futur possible (Aura Atika). Mais il refuse en fait toutes les pistes affectives qui lui sont offertes.
Les autres personnages sont différents. Pour Jean Dujardin, utilisé à contre emploi, c'était l'occasion de montrer qu'il pouvait jouer autre chose de Loulou. C'était une occasion de sortir de ses habitudes. Enfin, pour François Berléand, c'était l'occasion, loin des méchants cérébraux, de jouer un « bas du front », une grosse brute. Et Nicolas Boukhrief d'ajouter qu'il s'agissait là d'une demande de sa part.
Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur