INTERVIEW
PRINCE OF TEXAS
Un remake d’un film islandais
« Prince of Texas » est le remake du film islandais de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson intitulé « Either Way ». David Gordon Green a découvert le film lors de sa sortie un an plus tôt aux USA. Mais ce qui a déclenché le projet est avant tout les lieux, qu’il…
Un remake d’un film islandais
"Prince of Texas" est le remake du film islandais de Hafsteinn Gunnar Sigurðsson intitulé "Either Way". David Gordon Green a découvert le film lors de sa sortie un an plus tôt aux USA. Mais ce qui a déclenché le projet est avant tout les lieux, qu’il a découvert, avec les traces du feu fraîchement passé… Et il a eu envie de tourner là-bas avant que la renaissance de la forêt ne soit effective.
Il a parlé avec un ami producteur, qui lui a conseillé de voir "Either way", film qui avait gagné le grand prix du Festival de Turin. Il l’a alors regardé en ayant déjà l’intention d’en faire un remake, centré sur l’isolement des deux personnages. Et il a trouvé que ce récit était parfaitement adapté aux lieux repérés, puisqu’il s’agit aussi d’une renaissance pour les personnages.
Pour transposer cela dans une ambiance très américaine, il s’est inspiré de "Kings of the road" de Wenders et de "Gerry" de Gus Van Sant. De plus, il a choisi de situer son récit dans les années 80, pour ne pas perturber l’isolement des personnages, en évitant les i-phone ou les textos… Car, aujourd’hui, il est bien plus facile de garder le contact avec ses proches.
Au final, cela a donné un scénario de seulement 60 pages, donc un film très improvisé.
Au niveau casting
Paul Rudd s’est lui-même senti comme un grand frère par rapport à l’autre personnage et acteur. Il est « un peu plus vieux » que Emile Hirsch. Il a souhaité en quelques sortes « le protéger sur le tournage ». Mais le tournage du film a été très court, donc les disputes qu’ils avaient dans leurs scènes n’ont pas eu le temps d’influencer leur relation.
Paul Rudd décrit la façon de parler de son personnage, comme s’il parlait comme les sous-titres d’un film étranger. Il fallait donc selon lui l’aborder dans un certain état d’esprit.
Emile Hirsch, lui, pour s’approprier son rôle, a essayé de vivre sur place dans le van. Il affirme qu’il n’a pas vraiment une méthode d’acteur, avec des tâches concrètes à faire. Il a surtout essayé de faire ressortir le coté ennuyeux de sa personnalité.
De l’apprentissage de l’Allemand comme métaphore
Dans le film, le personnage de Paul Rudd s’isole avec son walk-man pour apprendre l’allemand. Si une journaliste fait remarquer que ça aurait été plus naturel que ce soit Emile, du fait du nom de famille, Paul Rudd précise que son personnage veut non seulement « apprendre l'allemand [mais aussi] y vivre ». Il « a besoin d'être ailleurs, de s’échapper ». Mais c’est aussi « une fantaisie, comme travailler dans les bois ». Et « peut-être qu’une fois en Allemagne, il aurait voulu apprendre le français et vivre à Paris ».
Concernant les lieux après l’incendie et les personnages rencontrés
David Gordon Green avoue qu’il a une certaine fascination pour cette forme de renaissance après la tristesse de la désolation. Il voulait que le film ait cela en fond, « avec du coup des rires, de la vie, au premier plan ».
La femme perdue au milieu de sa maison réduite en cendres n’était pas prévue dans le script. Ses producteurs l’ont rencontrée lors des repérages et elle a été intégrée dans l’histoire. « Elle a un naturel [impressionnant]… Elle cherche des fragments de sa vie, sa collection (elle était artiste) ». Tout est vrai, elle a bien été pilote…
Paul Rudd rajoute qu’ils ont tourné dans un parc naturel, dans lequel ils n’ont pas eu le droit de rester juste à côté des lieux de tournage. Ils ont forcément été affectés par cela, par les « routes noires, les arbres détruits, qu’on ne voit pas ici ».
Concernant la relation avec le conducteur, « elle existe ou pas ». Selon David Gordon Green, elle est peut être « le fruit de son imagination ». Cela fait partie des choses qui n’ont pas été forcément préconçues au niveau du scénario.
Lance, le routier, David Gordon Green l’a rencontré sur une pub pour Dodge Trucks (des camions). Il y avait beaucoup de figurants dans le script, dont un qui était particulièrement marrant, et parlait fort. Il devait jeter une chaise sur des ados. Il « était à la fois "full of shit" ou "full of life", je ne sais pas ». Mais il a été auditionné pour voir si ce n’était pas juste un fou. Il n’a pas voulu rire, mais a chanté une chanson…
Le contact avec la nature…
Emile Hirsch précise qu’il y a quelque chose entre lui et le contact avec la nature. Dans "Into the wild" il aimait la nature. Il a quelque part été « très identifié avec ce rôle ». Du coup, il admet aimer ce personnage incapable de prendre soin de lui. « Il n’aime pas la nature. Il n’aime pas être seul ». Lui-même est un peu un mélange des deux. Il aime tourner dans la nature, mais il apprécie les deux côtés, la ville et la montagne.
Le choix d’une caméra adéquate
Quand on l’interroge sur les difficultés du tournage, David Gordon Green répond qu’il « aime le processus de faire un film, travailler avec les acteurs, dans une collaboration créatrice ». Pour "Prince of Texas", en fait, il a trouvé le lieu, puis le titre, puis les acteurs… Jusque-là il avait « fait beaucoup de films avec des effets spéciaux, et une longue post-production, où on lui posait des milliers de questions tous les jours ». Ici « il y avait juste 8 ou 9 personnes et une certaine intimité », totalement différente.
Le travail sur l’image a été fondamental étant donné que l’on est toujours à proximité des deux personnages. Le metteur en scène précise qu’il travaille toujours avec le même chef opérateur. Il a ici tourné avec une caméra digitale (l’Arriflex Alexa), de manière à disposer d’une « caméra curieuse qui tourne autour de ces personnages, embrassant le paysage, fond étrange sur lequel ils évoluent ». Ceci permet de capter des mouvements organiques, qui sont fonction du mouvement des acteurs.
Des choix musicaux spécifiques
Enfin, concernant l’usage de la musique, le réalisateur indique qu’il a choisi principalement Explosion in the sky, un de ses groupes favoris. Ils lui avaient envoyé il y a quelques années leur dernier album pour inclure des morceaux dans certains films. Ce sont ses voisins aujourd’hui, et il aime travailler avec eux. Il a aussi fait appel à un autre compositeur, qui officie dans les « scores » traditionnels.
Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur