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INTERVIEW

CE N'EST QU'UN DEBUT

Journaliste :
Comment est né ce projet de faire un film de ces ateliers de philosophie?

Jean-Pierre Pozzi :
Le projet était initié par la productrice, Cilvy Aupin, qui a découvert l’existence de cet atelier de philosophie mené par Pascaline Dogliani. Celle-ci lui en parlait a…

© Le Pacte

Journaliste :
Comment est né ce projet de faire un film de ces ateliers de philosophie?

Jean-Pierre Pozzi :
Le projet était initié par la productrice, Cilvy Aupin, qui a découvert l'existence de cet atelier de philosophie mené par Pascaline Dogliani. Celle-ci lui en parlait avec énormément d'enthousiasme et de conviction. Nous (Jean-Pierre Pozzi et Pierre Barougier) avons rencontré Pascaline et nous nous sommes dit il y avait peut-être matière à faire un film. Nous n’étions pas sûrs, mais nous nous sommes lancés en se disant : « on va filmer quelques ateliers et on va voir ce qu'il en ressortira ». Et puis l'appétit vient en mangeant, comme on dit. Nous nous sommes rendus compte qu'il y avait un potentiel formidable et nous nous sommes dits que nous allions filmer une année scolaire. Mais au bout d'un an, nous sommes restés sur notre faim. Il y avait des choses bien, mais on sentait qu'il n'y avait pas suffisamment de quoi faire un film. Donc la décision a été prise de faire une année de plus. Là, les problèmes ont commencé à surgir parce qu'en terme de production, ça commençait à devenir un peu lourd. Mais grand bien nous en a pris, parce que c'est finalement sur cette période-là que nous avons pu vraiment voir l'évolution des enfants. Tout ce que l'on voit à la fin du film s'est passé la deuxième année. Tous les ateliers vraiment forts sur la liberté et la différence sont apparus à ce moment-là. Et en même temps, c'est rendre justice à cette démarche pédagogique qui considère que ça ne se fait pas du jour au lendemain, que c'est vraiment un travail de longue haleine, un travail sur la durée.

Journaliste :
Avez-vous eu une appréhension quant au fait de filmer des enfants parler de philosophie ? Cela demande une réflexion assez poussée...

Jean-Pierre Pozzi :
Nous avons eu des moments de doute, des grands moments de solitude, même. Mais nous avons tenu à évoquer, dans le film, que le début n’est pas facile, qu’il faut s'accrocher, qu’il faut vraiment y croire, persévérer. Le processus est très important : installer un rituel même si a priori il ne se passe rien. C'est en cela que Pascaline a vraiment beaucoup évolué. Au début, on sent qu'elle cherche du résultat, des réponses, mais en fait non : il suffit de provoquer des questionnements. Parfois les ateliers se terminent dans la cour, et Kyria conclue le film ainsi : « Dans le bac à sable, on a parlé de l'amour et de la mort ». Alors effectivement, nous avons eu de grands doutes, nous nous sommes demandés si les enfants allaient être capables d'appréhender ces sujets-là, à cet âge-là, et l’on voit bien que ce n'est pas facile au début. Il y en a quelques uns qui ont la maîtrise du langage, d'autres non, du coup les ateliers permettent aussi de faire tout un travail de fond sur la verbalisation, sur l'apprentissage du vocabulaire. Les ateliers philosophiques sont aussi un lieu d’apprentissage de la langue. Pour moi, c'est même un apprentissage de la démocratie, car la n'est pas innée. Plus tôt on apprend à écouter, s'exprimer, argumenter, mieux on se porte.

Journaliste :
Quel serait le plus important pour vous : le succès du film en salle ou de voir fleurir, dans les années qui viennent, d'autres ateliers de philosophie dans les écoles françaises?

Jean-Pierre Pozzi :
On ne veut surtout pas que le film soit interprété comme un vademecum, comme un mode d'emploi, car nous n’avons aucune légitimité là-dessus. Nous respectons trop le corps enseignant pour pouvoir lui donner des leçons. Après, que le film suscite des interrogations, des débats, que les gens se l'approprient, polémiquent dessus, tant mieux. Le film est un vecteur, il sert à faire passer une idée, que les gens le prennent et en fasse ce qu'ils veulent ! Mais avant même que le film soit sorti, nous savions déjà que ce serait le cas, que cela susciterait de l'intérêt et de la polémique aussi. Il y a des gens pour qui c'est pas de la philosophie, et nous savions qu'il y aurait des réactions de ce genre. Au-delà de l'expérience pédagogique, ce qui m'intéresse dans le film, c'est cette espèce d'instantané : ce que disent les enfants sur le monde d'aujourd'hui. Et tous les thèmes abordés, mine de rien, sont tous les thèmes qui font débat en ce moment : vivre ensemble, la différence...

Journaliste :
Cette classe est métissée, les origines sont très diversifiées. Est-ce que, dans ce sens, le film ne répond pas à cette question tellement d'actualité : qu'est-ce c'est être français?

Jean-Pierre Pozzi :
Je trouve que c'est un film très français et que les enfants sont très français, ils sont super bien intégrés, ils ont un niveau de vocabulaire incroyable, ce sont des grands bavards qui aiment parler franchement... Si c'est pas français ça ! Lors d'une projection au Québec, les gens étaient estomaqués. Ils ne comprenaient pas comment des gamins de cet âge-là pouvaient tenir de telles conversations, certains croyaient qu'on avait choisi les enfants, qu'on avait fait un casting... Cela me touche beaucoup parce qu’en un sens, le film est révélateur de la réalité sociologique d'aujourd'hui.

Rémi Geoffroy Envoyer un message au rédacteur

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