EX-LIBRIS
Quand un auteur de renom se repose sur ses lauriers
Composée de 92 sites, la 3ème plus grande bibliothèque du monde s’étend sur trois arrondissements de la ville de New York. Au delà de son rôle de bibliothèque, il s’agit d’une institution indispensable au savoir, qui participe chaque jour à la cohésion sociale…
Avec "Ex-Libris", Frederick Wiseman s'attache volontairement moins à décortiquer le fonctionnement technique d'une bibliothèque (ici la New York Public Library) qu'à en révéler les aspects qui en font un lieu indispensable à la cohésion sociale des quartiers qu’elle irrigue. S'il a le mérite de montrer, assez rapidement, de nombreuses facettes de cet établissement, depuis des conférences passionnantes et souvent polémiques, jusqu’à des sessions de recrutements organisées pour tous, en passant par des cours ou des expositions, le nouveau documentaire fleuve (3h17) de l’auteur de "La danse" et "Crazy Horse" atteint cependant vite ses limites.
Loin de l'émotion brute de "La dernière lettre", Wiseman, s'il réussit à faire ressortir ici des sujets fondamentaux pour la survie ou l’image de l’établissement (la course aux financements, la recherche de la vérité, l'usage et les dangers de la digitalisation...), semble s'être endormi sur ses lauriers, le montage du film étant forcément sujet à discussion, tout comme l’effet final obtenu. Surprenant dans les premières minutes, avec une certaine distance confinant à l’humour (les incroyables demandes faites au standard… et la bonne volonté des personnels qui répondent), le film se perd ensuite dans un montage fourre-tout, où le seul personnage récurrent, directeur de l’établissement, apparaît comme un VRP en permanente recherche de financements.
Le fil rouge est donc bien ténu, alors que se dessine aussi en fond la thématique de l’esclavage, esquissant certes, tout comme le rôle de centre social des lieux, une réflexion évidente sur les politiques du président américain actuel, qu’elles soient sociales ou identitaires. Cet "Ex-Libris" rate donc son but et finit presque par servir la soupe à ceux qu’il dénonce. Malheureusement la plupart des spectateurs ressortiront probablement de la séance avec la sensation qu’une bibliothèque, finalement, c’est chiant, et surtout avec la sensation que les rôles sont aujourd’hui brouillés, entre lieux de culture et centre social, questionnant pour certains la justification de leurs financements. Le résultat d’une politique condamnable certes, mais qu’il aurait fallu au minimum expliciter pour mieux la dénoncer.
On espère donc au final, que ce grand documentariste qu’est Frederick Wiseman, fera un peu plus œuvre pédagogique dans son prochain film, en se souciant un rien du spectateur et en tâchant de structurer au minimum son propos. Le fait de prendre aussi peu de temps entre deux films est certainement une des raisons pour lesquelles il semble s’être contenté ici d'un montage bâclé et d'un alignement de scènes aussi intéressantes prises individuellement qu'elles finissent par être insignifiantes dans une œuvre à la structure illisible et d’une durée nullement justifiable.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur