NATIONAL GALLERY
Intéressant, bien que trop long et redondant
Du haut de ses quatre-vingt ans dépassés, Frederick Wiseman est l’un des plus grands documentaristes de la planète, aussi prolifique qu’un jeunot avec en moyenne un film tous les deux ans. Sachant que ses méthodes de travail consistent généralement à accumuler le maximum de prises de vues durant quelques semaines pour ensuite les découper au montage, celui-ci s’étalant sur plusieurs mois, le réalisateur ne cesse en réalité jamais de travailler. Si ses immersions au cœur d’institutions américaines ont fait sa renommée, le cinéaste a une nouvelle fois décidé de traverser l’Atlantique, pour s’intéresser à la National Gallery.
Et la plongée dans le musée londonien est fascinante, tant celui-ci regorge de nombreux trésors. Cependant, l’intérêt cinématographique du documentaire est beaucoup moins prononcé. Si le réalisateur s’efface toujours derrière son objet, il est cette fois tombé dans l’écueil de la recherche vaine d’exhaustivité, livrant aux spectateurs un catalogue rapidement lassant des différentes œuvres. Probablement aveuglé par l’admiration qu’il porte à ces tableaux, le métrage se transforme alors en leçon de peinture, des intervenants décortiquant et analysant les chefs d’œuvres picturaux. Si ce procédé permet une véritable découverte de cette célèbre galerie, le documentaire, bien que didactique, perd de son originalité pour se contenter d’être un vulgaire spot promotionnel.
Mais dès que le documentaire s’éloigne de ces logorrhées éducatives, le film devient bien plus intéressant, en particulier lorsqu’il invite le spectateur dans les coulisses de l’institution. On découvre alors les secrets des dispositifs de restauration, l’aspect financier d’un tel lieu ou encore l’importance de l’emplacement des œuvres. Et c’est justement dès qu’on quitte le cadre artistique que le documentaire prend tout son envol, Wiseman parvenant, comme à son habitude, à donner sens aux images par le montage. C’est dans cette logique qu’on aurait aimé que l’objectif se focalise plus sur les visiteurs du musée, les réactions capturées étant réduites à de simples transitions.
Malgré des anecdotes rendues passionnantes par la verve des protagonistes, comme l’histoire du tableau caché de Rembrandt, et malgré des moments oniriques touchés par la grâce de la mise en scène, en particulier dans cette scène où des danseurs se paradent autour d’un tableau, "National Gallery" souffre considérablement de sa longueur et de son aspect « catalogue ». En cherchant à trop expliquer les peintures, le métrage empêche son désir de donner vie aux toiles, l’imagination nécessaire du spectateur étant tuée par les démonstrations bien trop explicites. La magie s’estompe, et seuls les plus grands amoureux de l’Art y trouveront leur compte.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur