OKI'S MOVIE
1 fille, 2 garçons, 4 combinaisons
Quatre histoires avec trois protagonistes : ils ont les mêmes prénoms, les mêmes physiques, les mêmes caractères, mais à chaque histoire, ils ont une rôle différent au sein de la faculté de cinéma…
Réalisateur prolifique (du moins ces dernières années), Hong Sangsoo ne cesse de développer un thème qui lui est cher : celui de l’indécision de l’homme dans sa vie amoureuse. Sa filmographie nous offre différentes variations de ce tourment, avec comme thèmes récurrents : le manque d’inspiration (ses héros sont généralement des auteurs), le sexe et l’alcool. Ses histoires sont souvent des instantanés de moments de faiblesse, où le personnage principal se trouve contraint de faire le point sur son existence. Naïf et maladroit, il divague plus qu’il ne progresse. Ainsi, le réalisateur construit sa trame narrative au gré des multiples tergiversations de son héros.
« Oki’s movie » ne fait pas exception à la règle, à un détail près : sa structure est décomposée en quatre histoires. Tels des essais, chacune met en scène trois personnages tout en permutant leur rôle. Une fille, Oki et deux hommes d’âges différents. Jingu, le plus jeune, est le parfait archétype des héros d’Hong Sangsoo. Il se laisse guider par son instinct tout en se posant d’innombrables questions. Cette innocence lui permet de tenter le tout pour le tout avec les femmes (Jingu peut passer une nuit entière dans le froid à attendre Oki). Néanmoins ce caractère impulsif lui joue des tours au niveau professionnel. Notre héros parle autant qu’il boit, regrettant par la suite d’avoir dit tout haut ce qu’il pensait tout bas. De 20 ans son aîné, le professeur Song est quant à lui beaucoup plus posé. Sa réflexion sur la vie est certes plus juste mais elle laisse transparaître une certaine amertume. Au fil des années sa relation avec les jeunes femmes change et fait de lui un sage plutôt qu’un amant.
Ces antagonismes, Hong Sangsoo va les analyser un à un dans le dernier chapitre de son œuvre : le film de Oki ! La jeune fille raconte une même promenade, faite à un an d’intervalle, avec chacun des deux hommes. Elle compare leur moindre comportement. À chaque étape de leur ballade, elle met ainsi en parallèle leurs discussions, le choix du menu au déjeuner, et même…le temps qu’ils passent aux toilettes.. Ainsi, Oki, qui n’était alors que le sujet de convoitise des deux hommes, prend enfin la parole. Objective et rationnelle, la jeune fille ne tire aucune conclusion des disparités entre ses deux compagnons. Cette dernière partie, le point de vue féminin, est en quelque sorte la synthèse pragmatique des trois précédentes, beaucoup plus introspectives.
La filmographie si particulière d’Hong Sangsoo semble toujours porter une part importante d’autobiographie. On ne peut imaginer le cinéaste autrement que comme l’un de ses personnages. Rien d'étonnant alors, qu’à l’aube de ses cinquante ans, l’auteur nous offre cette étonnante réflexion sur les disparités de l’homme selon les âges. La conclusion étant que jeune ou vieux, l’homme est toujours aussi anxieux de plaire aux femmes et d’avoir la reconnaissance de ses pairs. Nous voilà rassurés, Hong Sangsoo est bien toujours le même, et cette charmante figure de style promet de nous abreuver, pour plusieurs années encore, de ses quêtes existentielles dont il a le secret !
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur