TABOOR
Une véritable œuvre d’art
Taboor, dans la mythologie mésopotamienne, signifie le nombril du monde. À travers lui, seraient nés la terre et l’âme de tous les êtres humains. Un endroit immaculé, préservé des agressions du monde extérieur, tout comme cette caravane, totalement recouverte d’aluminium où vit notre homme meurtri par les ondes électromagnétiques. Sans un mot, celui-ci va parcourir la ville en une succession de plans larges contemplatifs. Un parti pris énigmatique et esthétiquement très réussi. Soulignés par une musique envoûtante, les tableaux s’enchainent, figés dans un espace temps entre science fiction et monde réel.
Dédié à son propre père, le film de Vahid Vakilifar est visiblement lourd de symboles. Certains d’ordre privé resteront inexpliqués, mais la troublante sérénité du personnage face au danger évoque une routine établie. Tout comme les cafards qu’il pourchasse chez ses clients, l’homme mène un combat lattant contre un ennemi invisible qui carbonise ses chairs comme ce morceau de viande que l’on voit brûler sur le grill. Cette scène toute simple est, malgré les apparences, l’instant où tout s’explique. Car pour la première fois une voix s’élève, celle du narrateur qui, par l’entremise d’un poème, évoque ce changement d’état qui l’affaiblit.
"Taboor" n’est pas ce qu’on appelle un film « facile d’accès ». Mystérieux et langoureusement contemplatif, il découragera nombre de spectateurs. Pourtant, outre la symbolique, "Taboor" est esthétiquement sublime et pourrait très bien trouver sa place dans une expo d’art contemporain. Plusieurs tableaux révèlent de magnifiques compositions photographiques structurées et sensibles. Pour exemple, cette étrange scène filmée du fond d’un couloir, où l’homme, en ombre chinoise, reçoit des décharges électriques. Les plans se suivent en polyptique jusqu’au final, majestueux, qui laisse l’histoire en suspens entre apocalypse et résurrection. Du grand art !
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur