LE VENERABLE W.
Le vénère W.
Barbet Schroeder aura mis du temps pour clôturer sa fameuse « trilogie du Mal », entamée avec "Général Idi Amin Dada" en 1974 et poursuivie avec "L’avocat de la terreur" en 2007. A chaque fois, même le principe est adopté : se confronter sereinement à une figure terrifiante du siècle en cours, en disséquant un mécanisme de haine et/ou de mensonge qui conduit au pire. En s’intéressant au « vénérable » Wirathu, on peut dire que le réalisateur frappe encore plus fort en guise de conclusion : à première vue, un simple bonze bouddhiste, mais en réalité un authentique Hitler birman, voué à la persécution et à l’extermination des musulmans dans un pays où la religion de 90% de la population se fonde pourtant sur la paix et la tolérance. Comparer le bonhomme au leader du IIIème Reich n’a d’ailleurs rien d’un point Godwin : en effet, Wirathu cherche à susciter la peur chez la population en utilisant la soi-disant « disparition de la race » comme argument central. Et comme son discours xénophobe est vite assimilé à une folie obsessionnelle qui défie l’entendement, la connexion s’impose d’elle-même.
Comme avec les deux documentaires précités, Barbet Schroeder s’en tient à une multitude d’interviews et d’argumentations qui aident à mettre en contradiction la parole insensée de Wirathu grâce à la réalité des faits. C’est surtout lorsqu’il se concentre sur sa confrontation avec Schroeder que le film impressionne : tout comme ce fut le cas avec Rithy Panh sur "Duch", on reste sidéré de voir un cinéaste aussi calme et objectif face à un homme débitant un tel précis de manipulation des foules. On sent surtout que le cinéaste cherche une vérité effrayante (parce qu’elle révèle un horrible mensonge) dans le but de s’interroger sur les racines du Mal (ce dernier est ici d’autant plus vicieux qu’il se cache sous les oripeaux d’une religion pacifique). Rien que pour cette aptitude à révéler le poids et la violence des mots dans ce processus visant à saborder une démocratie de l’intérieur, "Le Vénérable W." est clairement le signal d’alerte dont on avait plus besoin que jamais. On regrette juste que le cinéaste se soit senti obligé de demander à sa compagne (l’actrice Bulle Ogier) de réciter des textes trop didactiques en guise de voix-off. Un petit écart que l’on accepte vite de laisser de côté.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur