LA COLLINE AUX COQUELICOTS
Délicieusement nostalgique
Produit par les Studios Ghibli, « La colline aux coquelicots », adaptation du manga en deux tomes scénarisé par Tetsurô Sayama et illustré par Chizuru Takahashi, est avant tout l'histoire d'un amour naissant entre deux adolescents. Dotée d'une usuelle douceur d'approche, comme toujours chez la famille Miyazaki, la rencontre empruntera de drôles de chemins, comme ici, le prétexte d'une aide au journal de l'école. Entraînée par sa plus jeune sœur, bien plus excitée qu'elle à l'idée de rencontrer un garçon aussi mignon que rebelle, Umi va ainsi se lancer dans un début de relation avec celui qu'elle trouvait jusque-là bien effronté. Mais obstacles et bienséance vont se mettre en travers de leur chemin, histoire de vous tirer quelques larmes...
Car ce second film de Miyazaki fils (Goro n'avait réalisé jusque-là que « Les contes de Terremer ») est aussi une douloureuse histoire de pères disparus. La jeune fille, notamment, continue inlassablement à rendre hommage au sien en hissant les drapeaux. N'oublions pas que l'intrigue se situe en 1963, et qu'il s'agit donc de panser les plaies de la récente guerre de Corée (1950-1953), le Japon étant venu en aide à la Corée du Sud, contre les forces communistes du Nord. Nous sommes donc dans un pays qui n'en finit pas de se relever, et le dessin animé résonne de quelques champs patriotiques, d'une étrange beauté, qui vantent la vitalité de la jeunesse. Une jeunesse maline, qui les utilise également quand cela l'arrange, pour que le directeur n'interprète pas mal un rassemblement ou pour flatter un membre du conseil d'administration.
Mais « La colline des coquelicots » est aussi une histoire de patrimoine et de mémoire, incarnés par ce bâtiment vétuste dénommé Le Quartier latin, incroyable capharnaüm qui regroupe tous les clubs et donc tous les geeks de l'école. Deux des scènes majeures du film, véritables délices de foisonnement, se déroulent en son sein. Il s'agit de la première visite de ce monde inquiétant et ridicule, les deux filles semblant un peu impressionnées, puis de son nettoyage, filles et garçons rivalisant d'efficacité dans un tourbillon qui n'est pas sans rappeler la scène du ménage de printemps dans « L'amant » de Marguerite Duras. Cet antre de la jeunesse combattant pour son droit à la parole, comme pour son droit à posséder son lieu à elle, sera au centre de toutes les tractations avec la génération précédente.
Touchant conte d'un amour naissant, ce film n'hésite pas à représenter un couple fougueux, aux regards tournés vers l'avenir. Goro Miyazaki utilise pour cela le symbolique de certains plans, les deux personnages se tenant côte à côte, le regard fier, comme deux âmes regardant dans la même direction, prêtes à faire des projets. Une image qui trouvera certainement une résonance particulière en ces temps de crise durant lesquels la jeunesse a du mal à savoir en quoi espérer. Un positivisme doublé de la fine peinture d'une douceur du quotidien, portant à la fois tradition et respect. Pas de doute, le fils du maître commence à maîtriser le langage de son père.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur