10 000 KM
Retenir le bonheur
"10 000 km" fait partie de ces films qui vous bouleversent totalement et vous arrachent le cœur, malgré le caractère balisé de leur récit, tout en vous laissant sur votre faim du côté de la forme. Pas facile, en effet, de rendre dynamique des échanges par mail, Skype ou toutes autres technologies permettant un contact à distance qui ne remplacera jamais la présence physique. D'autres s'y sont essayés auparavant, avec moins de bonheur, tels Hideo Nakata avec "Chatroom" ou Jaime Rosales dans "La Belle Jeunesse". Carlos Marques-Marcet réussit lui à faire croire aux efforts de ce couple pour maintenir la complicité et l'esprit d'entraide qui les anime.
Face à sa caméra, les deux interprètes (David Verdaguer dans son premier grand rôle et Natalia Tena, vue dans "Game of Thrones") font toute la saveur amère de ce long métrage, incarnant la tendresse et une sorte de proximité adulte rassurante dès la première scène, où après quelques étreintes posant certains enjeux, la possibilité d'un éloignement géographique se pose. Servant à merveille des dialogues inventifs (la comptine encourageante de la "Cebolla") et des situations touchant autant aux limites de l'intime (la scène de masturbation par vidéo interposée) que de la persévérance, ils communiquent avec bonheur la capacité de leur personnage à rester dans la complicité.
Juste dans la description de la difficulté du maintien du lien, le film utilise dans un premier temps l'omniprésence de l'écran, disposant celui-ci comme une présence rassurante, au travers d'un portable posé sur une table ou sur un lit près d'un visage. Puis le metteur en scène use de plans plus larges, quand la vie quotidienne et l'entourage réel reprennent le dessus. Romantique et désespéré, "10 000 km" ne donne pas dans l'angélisme, mais provoque une émotion certaine, que vous garderez longtemps chevillée au corps.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur