LES MOOMINS ET LA CHASSE À LA COMÈTE
Une comète peu brillante
Dans la vallée des Moomins, un matin étrangement sombre et poussiéreux intrigue le petit Moomin, qui s’empresse d’aller consulter le Rat Musqué, sorte de philosophe grincheux qui prédit sans ménage la fin du monde avec l’arrivée prochaine d’une comète. Papa Moomin tente de relativiser cette prophétie et propose alors à son petit d’aller consulter les savants de l’observatoire pour obtenir des réponses plus scientifiques. Moomin embarque donc sur un radeau en compagnie de Sniff…
Quand un film a pour cible des enfants à partir de 3 ans, la première chose à observer, ce sont les réactions du public en question. Or, lors de la projection à laquelle j’ai assistée, il semble que la cible ait été touchée – sans enthousiasme débordant néanmoins. Reste à calquer un avis d’adulte là-dessus, ce qui n’est pas toujours évident ! De tels films ont rarement le génie de trouver le juste milieu qui permettra aux parents de ne pas jouer le seul rôle d’accompagnateur de leurs bambins.
En tant qu’adulte fan de Björk, je me réjouissais d’avance de la présence de la chanteuse islandaise au générique, même si cette collaboration se limitait à une chanson de générique (« The Comet Song »). L’univers parfois féérique de l’artiste semblait coller à un tel projet scandinave et il semblait pertinent d’attendre une douce composition digne de son époque « Vespertine ». Première surprise (mais est-ce une surprise venant d’elle ?), Björk n’a pas souhaité opter pour des sons duveteux et s’est plutôt orientée vers une musique quelque peu expérimentale (en tout cas plus proche de ses derniers albums), assez enthousiasmante pour l’adulte amateur mais probablement étrange pour des oreilles moins habituées – et donc en premier lieu pour les petits bouts de choux assis sur leurs rehausseurs !
La pseudo-surprise digérée, on se dit alors que la réalisation va peut-être oser une esthétique audacieuse, d’autant que les images du générique laissent présager un style plus ou moins sombre et potentiellement inspiré du cultissime « Dark Crystal ». De même, l’âme chaleureuse de Max von Sydow pour la narration a de quoi apporter un côté intrigant (et accessoirement donner quelques plaisirs cinéphiliques). Que nenni ! A posteriori, on se demande d’ailleurs d’où est sorti ce générique sans vraiment de cohérence stylistique avec le reste du film. L’animation est ainsi une simple mixture de décors en dessin 2D classique (et à l’esthétique relativement pauvre) et de personnages faits de matières textiles (probablement de la feutrine). Certes le tout a un charme rustique qu’on pourrait qualifier de « sympatoche » et on peut aussi se réjouir d’avoir à se mettre sous la dent autre chose que de l’animation 3D qui envahit nos écrans depuis une dizaine d’années aux dépens d’une certaine diversité animée. Mais cette modestie formelle et saccadée est très vite lassante – du moins pour l’adulte.
Demeure alors l’espoir qu’une ravissante petite histoire semée d’embuches compense cette déception graphique. Là encore, l’adulte est vite déçu par l’irrégularité qualitative des diverses péripéties du Moomin et de sa petite bande. L’ensemble pourrait passer pour un conte philosophique gentillet qui lorgne parfois du côté de Saint-Exupéry (notamment avec les passages sur les collectionneurs et sur les savants, que le Petit Prince aurait pu rencontrer) et il flotte au fil de l’histoire un côté « hymne à la nature » qui paraît coller à la fois à l’univers Moomin et aux discours environnementalistes en vogue de nos jours. Pour ce dernier point, il y a tout de même de quoi tiquer lorsqu’un personnage propose de se débarrasser d’une tente du haut d’une montagne ! De même, la réflexion philosophique et les intentions apparemment pédagogiques sont parasitées par des aspects assez « neuneus », et tout espoir s’effondre quand arrive le personnage de Mademoiselle Snork. Le traitement réservé à ce personnage féminin a en effet de quoi faire frémir : un stéréotype de blonde superficielle et sans cervelle qui se voit même victime de quelques dialogues ultra-machistes ! Quel bel exemple pour la jeunesse...
Je vous passe les quelques niaiseries, les facilités scénaristiques et la fin abracadabrantesque (aspects bien trop souvent caractéristiques de l’animation de jeunesse). Le film a beau plaire à nos enfants, il n’est peut-être pas si judicieux de leur proposer d’aller le voir.
Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur