AI WEIWEI, NEVER SORRY
Un esprit toujours libre
Voici un documentaire passionnant sur un artiste chinois récemment assigné à domicile par les autorités. Ce film indispensable permet de témoigner de la démarche de l'homme, montrant son engagement politique au travers de l'œuvre, visant avant tout à dénoncer l'hypocrisie d'un système et le manque de transparence du pouvoir en place. Ai Wei Wei a par exemple dénoncé le mépris envers le patrimoine humain (des quartiers entiers sont rasés sans tenir compte du passé et du vécu des habitants), alors qu'au contraire n'importe quel vase Ming est considéré comme tel. La vidéo postée sur le net, où on le voit tomber une urne de la Dynastie Han, ses peintures de logos de marques sur des vases, sont un témoignage de sa position. Mais ses photos les plus connues sont celles qui donnent notamment support à l'affiche du film (la série « Etudes de perspectives »), lorsqu'il fait un doigt d'honneur aux principaux monuments du monde.
Dénonçant également l'artificialisation du monde et le travail à la chaîne, il crée des œuvres imposantes dans leur dimension physique comme politique, telle cette pièce emplie de graines de tournesols qui sont en fait des céramiques peintes à la main. L'artiste est également connu, même en Chine, par le biais de son blog provocateur, sur lequel il lança l'appel qui lui vaudra le début des ennuis. Déconcerté par l'incapacité des autorités chinoises à gérer les conséquences du tremblement de terre du Sichuan en 2008, il a souhaité dresser la liste des enfants tués dans des écoles mal construites. Il s'agissait en gros de faire le travail des autorités, qui se contentaient alors de minimiser l'ampleur de la catastrophe. Annoncé sur le web, le projet lui permet alors de se faire des relais, des fans, mais aussi des ennemis.
Portrait d'un homme sans peurs, habitué des menaces et intimidations, « Ai Wei Wei, never sorry » est aussi un regard interne, fait d'interview et de films personnels de l'artiste, sur un grand communiquant dans l âme, utilisateur précurseur et habile des réseaux sociaux, réagissant parfois en direct à l'actualité. Ayant voulu prendre part dans le procès d'un ami artiste, bien décidé à témoigner, il se fera agresser par un policier et tentera de porter plainte, et on le découvrira aussi têtu que téméraire, dans un passage qui fait la part belle à un pathétique comique de situation. Grâce aux moyens de communication moderne (téléphone portable, twitter...) le documentaire décrit son calvaire et offre une belle description de l'arsenal employé pour le réduire au silence. Il met en lumière un système digne d'une dictature, interdisant des publications et s'ingérant par tout un système de surveillance quotidienne dans la vie de citoyens honnêtes. Jusqu'à une disparition soudaine, les intimidations diverses se succèdent, quelles soient verbales ou administratives (voir le retrait de permis de construire pour son centre, alors qu'il est presque finit de construire...).
Au travers de ce film, on découvre un homme au visage souriant et espiègle, un esprit fort et réactif. Mais « Ai Wei Wei, never sorry » montre aussi que l'artiste reste un être humain... influençable; que chacun a ses limites; et surtout que la Chine est tout sauf une république démocratique.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur