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BAJRANGI BHAIJAAN

Un film de Kabir Khan

Charles Dickens entre l’Inde et le Pakistan

Munni, une petite fille, vit avec ses parents dans une région reculée et montagneuse du Pakistan. Elle ne sait ni lire ni écrire, et surtout, elle est muette. Un soir, lors d’un voyage vers l’Inde avec sa mère, elle descend un instant du train à l’arrêt pour aider un agneau blessé, mais le train repart brutalement sans elle. Désormais seule dans un pays qu’elle ne connaît pas, elle tombe un jour sur Pawan Kumarun, surnommé « Bajrangi », un homme généreux qui sympathise avec elle et qui décide alors de prendre tous les risques pour la ramener chez elle. Le début d’un long voyage semé d’embûches et de rencontres mémorables…

Le cinéma indien est décidément plein de surprises. À chaque nouveau film qui débarque – hélas en catimini – dans les salles françaises, on pense savoir à quoi s’attendre, à savoir un gros portnawak surchargé d’humour lourdingue et de numéros musicaux gigantesques, et au final, on sort de la salle surpris et heureux du spectacle proposé. La présence de la star Salman Khan à un grand nombre de postes techniques du film (il en est aussi l’acteur principal) aide déjà à y voir un peu plus clair sur le fond : loin d’un spectacle pyrotechnique ou outrancièrement festif, "Bajrangi Bhaijaan" s’avère être une sorte de fable à la Dickens, qui limite les extravagances au profit d’un récit avant tout chaleureux et profondément humaniste, assez proche de la générosité d’un acteur-star réputé pour ses actions caritatives et sa liberté d’esprit.

Les clichés du film Bollywood ne prennent donc ici que peu de place. Très peu de figurants qui se bousculent dans des chorégraphies maousses : à peine deux scènes chantées, dont une, assez inénarrable, aux paroles tournant autour du choix du poulet dans un restaurant ! Très peu d’action, si ce n’est une partie de tatane dans un bordel de Delhi. Très peu de temps morts non plus, tant les 2h30 du film passent comme une flèche, même si le flash-back sur le passé du héros s’éternise un peu sur une trentaine de minutes. Mais si ce parti pris a déjà de quoi priver le film d’une vraie inventivité formelle, l’objectif de Khan est au contraire des plus simples : investir une Inde à la fois divisée selon un système de castes et voisine d’un Pakistan considéré comme une nation d’ennemis, et se servir de cette amitié entre un indien et une petite pakistanaise comme d’un message d’espoir et de rapprochement entre les peuples.

Tel est le but du voyage proposé ici, riche en humour comme en émotion, et nous poussant parfois à sortir les mouchoirs. Si l’on peut regretter que le dernier quart d’heure force l’émotion à la manière d’un bazooka en abusant des ralentis et des envolées musicales, le film contourne avec habileté les clichés et les situations attendues par une loufoquerie bien sentie (les péripéties sont souvent empreintes d’une vraie drôlerie), touche au cœur par la sympathie dégagée par ses deux héros, évoque la foi spirituelle au sens large sans jamais stigmatiser une religion par rapport aux autres, et offre en fin de compte un vrai divertissement populaire, au propos on ne peut plus fédérateur.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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